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vons deviner les résultats de cette longue entrevue. Le prince, en quittant son vieux serviteur, oublia sa fatale boîte de papiers et la renvoya chercher par le page. Le général était à genoux en prières dans la chambre quand le jeune homme entra, et il ne fit que bouger et regarder d’un air effaré lorsque l’autre emporta le paquet. Le prince partit à cheval pour sa maison de chasse, à trois lieues de X…, et trois jours après, Maxime de Magny mourut en prison, après avoir fait l’aveu qu’il avait comploté de voler le juif, et qu’il s’était détruit par honte de son déshonneur.

« Mais on ne sait pas que ce fut le général lui-même qui porta du poison à son petit-fils ; on a même dit qu’il lui brûla la cervelle dans la prison, mais cela n’est pas. Le général de Magny porta en effet à son petit-fils de quoi sortir de ce monde, représenta à ce jeune malheureux que la mort était inévitable, qu’elle serait publique et infamante s’il n’allait pas au-devant du châtiment, et là-dessus il le quitta. Mais ce ne fut pas de son propre mouvement, et ce ne fut qu’après avoir eu recours à tous les moyens d’échapper à sa destinée, comme vous le saurez, que cet être infortuné perdit la vie.

« Quant au général de Magny, il tomba tout à fait dans l’imbécillité peu de temps après la mort de son petit-fils et celle de mon honoré duc. Après que S. A. le prince eut épousé la princesse Marie de F…, comme ils étaient à se promener ensemble dans le parc anglais, ils rencontrèrent un jour le vieux Magny qu’on roulait au soleil dans le fauteuil dans lequel on le sortait communément après ses attaques de paralysie.

« C’est ma femme, Magny, » dit le prince affectueusement en prenant la main du vétéran ; et il ajouta en se tournant vers la princesse : « Le général de Magny m’a sauvé la vie dans la guerre de Sept ans.

« — Eh quoi ! vous l’avez reprise ? dit le vieillard. Je voudrais bien que vous me rendissiez mon pauvre Maxime. »

« Il avait tout à fait oublié la mort de la pauvre Olivia, et le prince passa outre d’un air fort sombre.

« Et maintenant, dit Mme de Liliengarten, je n’ai plus qu’une lugubre histoire à vous raconter, la mort de la princesse Olivia. Le récit en est encore plus horrible que celui que je viens de vous faire. »

Après cette préface la vieille dame reprit sa narration.

« La destinée de cette bonne et faible princesse fut hâtée, sinon occasionnée, par la lâcheté de Magny. Il avait trouvé moyen de communiquer avec elle de sa prison, et Son Altesse, qui n’é-