Page:Thackeray - Mémoires de Barry Lyndon.djvu/161

Cette page a été validée par deux contributeurs.

naçait du pistolet, survint une patrouille, qui s’empara du voleur et du blessé.

« Kerner proféra un jurement. « Vous êtes venu trop tôt, dit-il au sergent de police ; les renards sont en liberté. — Il y en a de pris, » dit le sergent sans s’émouvoir ; et il attacha les mains de mon homme avec la corde qui barrait le chemin. Le valet fut mis en croupe derrière un homme de la police ; on en fit autant de Löwe, et nos gens rentrèrent ainsi en ville au tomber de la nuit.

« Ils furent conduits immédiatement à la police, et, comme le chef se trouvait là, ils furent interrogés par Son Excellence en personne. Tous deux furent rigoureusement fouillés ; les papiers du juif et ses écrins lui furent pris ; le joyau fut trouvé dans une poche secrète. Quant à l’espion, le ministre, lui jetant un regard courroucé, dit : « Eh mais, c’est le domestique du chevalier de Magny, un des écuyers de Son Altesse ! » Et sans écouter un mot de justification du pauvre diable terrifié, il le fit mettre au secret.

« Demandant son cheval, il se rendit alors chez le prince au palais, et sollicita une audience immédiate. Lorsqu’il fut admis, il produisit l’émeraude. « Ce joyau, dit-il, a été trouvé sur un juif de Heidelberg, qui est venu souvent ici depuis peu, et a eu beaucoup de relations avec l’écuyer de la princesse, le chevalier de Magny. Cette après-midi, le domestique du chevalier est venu de chez son maître, accompagné de l’hébreu ; on l’a entendu prendre des informations sur la route par laquelle celui-ci devait s’en retourner chez lui ; il l’a suivi, ou plutôt précédé, et a été surpris par ma police dévalisant sa victime dans le Kaiserwald. Cet homme ne veut rien avouer ; mais, en le fouillant, on a trouvé sur lui une somme considérable d’argent ; et, quoique ce soit avec la plus vive peine que je me décide à concevoir une telle opinion, et à impliquer dans cette affaire un gentilhomme du caractère et du nom de M. de Magny, je dois me résigner à dire qu’il est de notre devoir de faire interroger le chevalier à ce sujet. Comme M. de Magny est au service particulier de la princesse et jouit de sa confiance, à ce que j’entends dire, je ne voudrais pas me hasarder à l’arrêter sans la permission de Votre Altesse. »

« Le grand écuyer du prince, qui était ami du vieux baron de Magny et assistait à cette entrevue, n’eut pas plutôt entendu cette étrange nouvelle, qu’il courut annoncer au vieux général le crime dont on accusait son petit-fils. Peut-être Son Altesse elle-même n’était pas fâchée que son vieil ami et son maître dans