cesse, mais c’est mon opinion qu’il en avait encore un autre plus puissant, l’intérêt. Vous vous rappelez qui le duc épousa après la mort de sa première femme ? Une princesse de la maison de F… Geldern bâtit son beau palais deux ans après, et, j’en suis convaincue, avec l’argent qui lui fut payé par la famille de F… pour faire réussir le mariage.
« Aller au prince Victor, et rapporter à Son Altesse un fait que tout le monde savait, n’était nullement le désir de Geldern. Il savait que ce serait se perdre à tout jamais dans l’esprit du prince que de lui porter une nouvelle si désastreuse. Son plan était donc de laisser la chose s’expliquer d’elle-même à Son Altesse ; et, lorsque le temps fut venu, il chercha le moyen d’arriver à ses fins. Il avait des espions chez les deux Magny ; mais ceci, vous le savez, comme de raison, ayant l’expérience des usages du continent. Nous nous faisions tous espionner les uns les autres. Votre nègre (Zamor, je crois, était son nom) venait, tous les matins, me faire son rapport ; et j’amusais le vieux duc en lui racontant comme quoi vous vous exerciez au piquet et aux dés dans la matinée, et vos querelles et vos intrigues. Nous levions de semblables contributions sur un chacun, à X…, pour divertir le cher vieillard. Le valet de M. de Magny me faisait des rapports à moi, et aussi à M. de Geldern.
« Je savais que l’émeraude était en gage ; et c’était de ma bourse que la pauvre princesse tirait les fonds qui étaient remis à l’odieux Löwe, et au jeune chevalier plus méprisable encore. Comment la princesse pouvait se fier à ce dernier comme elle persistait à le faire, cela me passe ; mais il n’est pas d’infatuation comme celle d’une femme amoureuse ; et vous remarquerez, mon cher monsieur de Balibari, que notre sexe, généralement, fixe son choix sur un mauvais sujet.
« — Pas toujours, madame, me récriai-je ; votre humble serviteur a inspiré beaucoup de ces attachements-là.
« — Je ne vois pas que cela attaque la vérité de la proposition, » dit sèchement la vieille dame, et elle continua son récit :
« Le juif, qui était détenteur de l’émeraude, avait fait beaucoup d’affaires avec la princesse, et il lui fut à la fin offert un tel pot-de-vin, qu’il se détermina à se dessaisir du gage. Il commit l’inconcevable imprudence d’apporter l’émeraude à X…, et alla chez Magny, à qui la princesse avait remis l’argent qu’il fallait pour racheter le gage, et qui était prêt à le payer.
« Leur entrevue eut lieu dans l’appartement de Magny, où son valet ne perdit pas un mot de leur conversation. Le jeune homme, qui n’attachait aucun prix à l’argent, lorsqu’il en avait, l’offrit