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« Dites-le-lui, répondit mon oncle.

— Ils vous renverront, dis-je ; alors que deviendrai-je ?

— Tranquillisez-vous, dit ce dernier avec un sourire ; je ne vous laisserai pas en arrière, je vous le garantis. Allez jeter un dernier regard sur votre caserne, tranquillisez-vous, dites adieu à vos amis de Berlin. Les chères âmes, comme elles vont pleurer quand elles vous sauront hors du pays ! et, aussi sûr que mon nom est Barry, hors du pays vous partirez.

— Mais comment, monsieur ? dis-je.

— Un peu de mémoire, monsieur Fakenham de Fakenham, dit-il d’un air fier. C’est vous-même qui m’avez appris comment. Allez me chercher une de mes perruques. Ouvrez ma boîte à dépêches là-bas, où sont les grands secrets de la chancellerie autrichienne ; rejetez vos cheveux en arrière ; mettez-moi ce morceau de taffetas noir et ces moustaches, et maintenant regardez-vous au miroir.

— Le chevalier de Balibari, » dis-je en éclatant de rire, et je me mis à me promener dans la chambre, en roidissant le genou à sa manière.

Le lendemain, quand j’allai faire mon rapport à M. de Potzdorff, je lui parlai des jeunes officiers prussiens qui avaient joué depuis peu ; et il répondit, comme je m’y attendais, que le roi avait résolu de renvoyer le chevalier.

« C’est un vilain ladre, répliquai-je ; je n’ai eu de lui que trois frédérics en deux mois, et j’espère que vous vous rappelez votre promesse de m’avancer.

— Eh mais, trois frédérics, c’était trop pour les nouvelles que vous avez ramassées, dit le capitaine en ricanant.

— Ce n’est pas ma faute s’il n’y en a pas eu davantage, repartis-je. Quand va-t-il partir ?

— Après-demain. Vous dites qu’il se promène en voiture après déjeuner et avant dîner. Quand il sortira pour y monter, deux gendarmes se placeront sur le siège, et le cocher aura ses ordres de marcher.

— Et son bagage, monsieur ? dis-je.

— Oh ! on l’enverra après lui. J’ai envie de visiter la boîte rouge qui contient ses papiers, dites-vous ; et à midi, après la parade, je serai à l’auberge. Vous ne parlerez de l’affaire à personne de là, et vous m’attendrez dans l’appartement du chevalier jusqu’à mon arrivée. Il faudra que nous forcions cette boîte. Vous êtes un chien de maladroit ; sans cela vous auriez eu la clef depuis longtemps. »

Je priai le capitaine de ne pas m’oublier, et là-dessus je pris