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quoi il était impossible que ce noble rejeton d’une illustre famille ne fût pas un Snob renforcé, ayant eu toute sa vie à subir les influences des Snobs qui l’environnaient.

Ses parents, pensant qu’il était bon de le faire passer par les épreuves de l’éducation publique, renvoyèrent en pension dès ses plus jeunes années. Le petit lord tomba d’abord entre les mains du révérend Otto Rose, docteur en théologie et directeur de l’institut préparatoire de Richmond-Lodge pour les jeunes gens appartenant à la noblesse et aux premières familles du pays. Ce respectable instituteur porta les premiers coups à son jeune élève par ses flatteries exagérées. Il ne manquait jamais de le présenter aux parents qui venaient voir leurs enfants, de nommer avec orgueil et satisfaction son bon ami et excellent protecteur le marquis de Bagwig. Lord Buckram était la réclame vivante de la maison ; sa présence y attira un si grand nombre d’élèves, qu’il fallut ajouter une aile de plus à Richmond-Lodge pour un dortoir de trente-cinq lits garnis de couvertures de percale blanche. Mistress Rose avait le plus grand soin de prendre avec elle le petit lord quand elle sortait pour ses visites dans sa voiture à un cheval, ce qui faisait mourir de jalousie la femme du recteur et de l’officier de santé.

Le petit Rose et lord Buckram ayant, un beau jour, été surpris pendant qu’ils dévalisaient ensemble le verger, le docteur administra une vigoureuse correction à l’héritier présomptif de son nom, pour s’être permis de détourner le jeune lord du sentier de la vertu. Lorsque le jeune lord quitta l’école, la séparation ne se fît pas sans larmes ; et lorsqu’il arrivait au docteur de recevoir des visites dans son cabinet de travail, on voyait toujours sur son bureau traîner quelque lettre portant l’adresse du noble marquis de Bagwig.

À Eton, du moins, la puissance magique de la canne contribua à extirper les germes de Snobisme qui se développaient déjà chez lord Buckram. Les coups, en effet, s’y distribuent avec une aveugle impartialité. Mais là encore il se forma autour du jeune lord une petite cour d’intri-