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les allures de tout le monde, quand la société et leurs parents conspirent avec tant de barbarie pour en faire des êtres contrefaits ? Tant qu’il y aura un coin du journal réservé aux Nouvelles de la cour, comment voulez-vous, quand le diable même ne s’en mêlerait pas, que dès gens dont le nom est chaque jour désigné à l’attention de tous se résignent h se croire les égaux de cette vile multitude qui attend chaque matin cette abominable mystification comme son pain quotidien ? Je crois que notre pays est le seul aujourd’hui où la chronique de la cour n’ait rien perdu de son prestige, où l’on ait encore le courage de lire des nouvelles comme celles-ci : « Aujourd’hui, S. A. R. le prince Pattypan est allé se promener en tilbury. La princesse Pimminy a été vue en calèche, accompagnée de ses dames d’honneur et. en société de sa poupée, etc., etc. » Nous ne pouvons retenir un sourire en voyant la gravité de Saint-Simon à nous annoncer que Sa Majesté se médicamente aujourd’hui, et nous accueillons avec la gravité de ce grand seigneur des balivernes du même genre qui se débitent chaque jour à notre nez. L’étonnant et mystérieux auteur des Nouvelles de la Cour se glisse invisible chaque soir avec son bulletin dans les ateliers du journal. J’obtins une fois comme une faveur toute spéciale de l’imprimeur la permission de le voir passer.

Je me suis laissé dire que, dans un royaume où le mari de la reine est d’origine germanique, — ce doit être en Portugal, car la reine de ce pays a épousé un prince allemand qui a conquis l’estime et l’admiration dès naturels du pays ; — on m’a raconté, dis-je, que toutes les fois que le royal époux se livre au plaisir de la chasse, dans la garenne de Cintra ou dans les réserves à faisans de Maffra, il est accompagné d’un garde qui charge son fusil, comme cela doit être naturellement mais que ce garde Je présente ensuite à un noble seigneur, l’écuyer du prince, et que ce noble seigneur le remet alors au prince, qui, après avoir tiré, rend son fusil déchargé au noble seigneur, qui le passe ensuite au garde, et toujours de même ; mais jamais le prince ne prendrait le fusil des mains de celui qui