tout les gros morceaux et les bonnes aubaines dans les faveurs
et les petits trafics du gouvernement. Nous ne pouvons
créer pairs tous vos chers enfants, cela rendrait la
Pairie trop commune et encombrerait d’une manière incommode
la Chambre des Lords ; mais vos cadets, du
moins, auront tout ce qu’un gouvernement peut offrir. Ils
feront rafle de toutes les places. Ils auront à dix-neuf ans
des brevets de capitaine ou de lieutenant-colonel, tandis
que de pauvres lieutenants auront blanchi sous le harnais
pendant trente ans de leur vie à diriger l’exercice. On leur
donnera à commander des vaisseaux à l’âge de vingt et un
ans ; ils auront sous leurs ordres des vétérans qui auront
été au feu alors qu’ils n’étaient pas même au monde. Et,
comme de plus nous sommes un peuple éminemment libéral,
et que nous prétendons encourager chacun à faire son
devoir, nous dirons à tout homme de toute condition :
« Devenez colossalement riche, gagnez en qualité de légiste
de gros honoraires, prononcez de longs discours,
distinguez-vous, remportez des batailles, et alors rien ne
s’opposera à ce que vous entriez en personne , en personne,
entendez-vous ? dans la classe privilégiée, et vos
enfants tout naturellement exerceront sur les nôtres la
souveraine puissance. »
Comment empêcher la Snobocratie, avec des institutions nationales qui semblent n’avoir été faites que pour sa glorification ? Comment empêcher toutes ces échines de se courber devant les lords ? C’est la boue dont nous sommes faits qui le veut ainsi. Où est l’homme capable de résister à cette violente tentation ? Entraînés par ce qu’on appelle une noble émulation, quelques-uns s’élancent dans la lice et s’engagent dans cette course furieuse aux honneurs, et les voilà enfin qui ont mis la main dessus ; d’autres, trop faibles ou trop petits pour la lutte, se contentent d’une admiration aveugle et d’une prosternation complète devant les vainqueurs ; d’autres enfin, incapables de jamais rien conquérir, s’abandonnent à tous les excès de la haine, de l’outrage et de la jalousie. Çà et là, on aperçoit seulement quelques rares philosophes qui restent im-