Page:Thackeray - Le Livre des snobs.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ainsi, Jacques Ier était Snob, et Snob d’Écosse, et je ne sais s’il fut jamais au monde quelque chose de plus odieux. Il ne possédait, à ce qu’il paraît, aucune bonne qualité de l’humaine nature ; il n’avait ni courage, ni grandeur d’âme, ni probité, ni bon sens, et lisez cependant ce que disent de lui les ministres et les docteurs du temps. Charles II, son petit-fils, était un coquin, mais non pas un Snob, tandis que Louis XIV, son vieux contemporain aux souliers carrés, le grand prêtre de la perruque classique, m’a toujours frappé comme le type le plus incontestable du Snob royal.

Je ne veux pas prendre uniquement dans notre pays les exemples de Snobs royaux. Nous allons donc nous transporter dans un État voisin, celui de Brentford, et voir un peu ce qu’était le monarque du pays, le grand et regrettable Gorgius IV. Avec la même humilité que la tourbe des laquais dont nous venons de parler s’empressait de céder le pas aux culottes royales, l’aristocratie du royaume de Brentford s’inclinait et courbait l’échine devant Gorgius, qu’elle n’hésitait pas à proclamer le premier gentilhomme de l’Europe. C’est quelque chose de merveilleux que l’idée que cette caste se fait d’un gentilhomme, lorsqu’on voit Gorgius IV décoré par elle d’un pareil titre.

Est pour nous gentilhomme qui a de l’honneur, de la loyauté, de la générosité, de la bravoure dans le cœur, de la droiture dans l’esprit, et qui, réunissant toutes ces qualités, sait les développer avec une grâce que nul n’aurait à sa place. Un gentilhomme ne doit-il pas être fidèle à tous ses devoirs de fils, d’époux et de père ? Ne doit-il pas mener une vie irréprochable, payer ses dettes, ne se plaire qu’aux choses élevées et élégantes, et n’avoir que des désirs dignes d’un cœur noble et dévoué ? En un mot, la biographie du premier gentilhomme de l’Europe ne doit-elle pas être une lecture recommandable pour les pensionnats de demoiselles, une source de leçons fructueuses pour les collèges de jeunes gens ? Je pose cette question à tous les maîtres de la jeunesse, à mistress Ellis et à toutes les institutrices anglaises, à tous