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fussent partis pour chasser à la campagne. Je résolus d’aller faire une petite tournée dans la province et de me rendre enfin à d’anciennes et pressantes invitations.

Ma première visite fut pour mon ami le major Ponto, de la cavalerie de la marine, qui avait pris sa retraite dans le Mangelwurlzelshire. Le major vint me chercher à la station, dans une espèce de petit char à bancs. La voiture n’avait rien de somptueux, mais c’était tout ce qu’il fallait pour un homme aux goûts modestes, comme prétendait l’être Ponto, et pour une nombreuse famille. La route que nous avions à parcourir se déroulait à travers des prés fleuris et verdoyants ; c’était un délicieux paysage anglais. La chaussée était propre et unie comme les allées d’un parc de grand seigneur, et à travers l’ombre touffue des arbres pénétrait de loin en loin un rayon de soleil qui venait égayer cette ravissante promenade. Les paysans en blouses blanches nous levaient leurs chapeaux en souriant. Les enfants, aux joues rouges comme les pommes de leurs vergers, nous faisaient des signes d’amitié de la porte de leurs cottages, et l’on voyait se dessiner au loin la flèche bleuâtre des églises de village. Enfin, nous nous arrêtâmes devant une porte où grimpaient le lierre et le chèvrefeuille. Une bonne grosse paysanne, la femme du jardinier, vint nous ouvrir, et, à travers une double rangée d’arbres verts et de sapins, je pus apercevoir la maison du major. Mon cœur, bondissant de joie, éprouvait une douce sensation, impossible à ressentir, je crois, dans l’atmosphère enfumée des villes.

« Ici, du moins, m’écriai-je intérieurement, tout est calme, bonheur et abondance. Je vais donc être enfin délivré du voisinage des Snobs. Il ne peut s’en trouver assurément dans ce charmant séjour, dans cette nouvelle Arcadie. »

Stripes, qui est devenu l’homme de confiance du major, après avoir été caporal dans son brave régiment, prit mon portemanteau et un petit présent, espèce de bienvenue qu’il m’avait semblé convenable d’apporter à mistress Ponto ;