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conduit comme par une pente irrésistible à aborder ce grand travail. Au commencement, Dieu fit le monde, et avec lui les Snobs ; ils sont de toute éternité, sans être plus connus que l’Amérique avant sa découverte. Aujourd’hui seulement, postquam ingens patuit Tellus, la foule a fini par avoir un vague sentiment de l’existence de cette race ; mais il y a vingt-cinq ans à peine qu’un nom, monosyllabe bien expressif, fut mis en circulation pour la désigner ; ce nom parcourut ensuite l’Angleterre dans tous les sens, comme firent après les voies ferrées : les Snobs sont désormais connus et reconnus dans toutes les parties d’un empire où je me suis laissé dire que le soleil ne se couchait jamais. À l’heure marquée, le Punch a paru pour enregistrer leur histoire, et voici l’homme prédestiné à écrire cette histoire dans le Punch [1]. »

J’ai du coup d’œil en fait de Snobs, et c’est là une qualité dont je me félicite et dont je me sais le gré le plus profond et le plus sincère. Si le vrai est le beau, il est donc beau d’étudier le Snobisme comme le reste, de deviner le Snob jusque sous le manteau dont l’abrite l’histoire, à l’instar de ces petits chiens du Hampshire dressés à éventer les truffes ; de jeter la sonde dans la société et de découvrir les riches filons de la mine snobienne. Le Snobisme, comme la mort, dont parle Horace (et j’aime à croire que cette citation frappe votre oreille pour la première fois ), « heurte d’un pied égal et la chaumière du pauvre et le palais des grands. » Il s’exposerait à de singulières méprises, celui qui irait juger les Snobs à la légère et penserait qu’ils n’existent que dans les couches inférieures de la société. On serait effrayé de ce qui se rencontre de Snobs sur cent individus pris au hasard dans toutes les conditions de l’humaine nature. N’allez point vous faire sur les Snobs une opinion hâtive, ainsi que le premier venu ; agir ainsi serait vous exposer vous-même à passer pour un Snob. Moi qui vous parle, on m’a bien pris pour un des leurs.

  1. L’Histoire des Snobs, parut pour la première fois dans le Punch. (Note du traducteur.)