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matiques. À la satisfaction générale, il fut classé le troisième en algèbre, et obtint pour prix un livre français à l’examen public du milieu de l’été. J’aurais voulu que vous vissiez la figure de la mère quand le docteur remit à son fils Télémaque, en présence de tous ses camarades, de tous les parents, de toute l’assistance, avec l’inscription latine : Guielmo Dobbino. Tous les enfants battirent des mains en signe d’approbation et de sympathie. Il rougit, trébucha, chancela, s’embarrassa les pieds l’un dans l’autre plus de vingt fois avant de regagner sa place. Le vieux Dobbin, son père, qui dès lors et pour la première fois l’eut en estime, lui donna publiquement deux guinées, et après les vacances il revint à la pension avec un habit à queue.

Dobbin était un garçon trop modeste pour supposer qu’il devait cet heureux changement à la générosité et à l’énergie de sa conduite. Il aima mieux, par un défaut de jugement, attribuer sa bonne fortune à la seule intervention et à la seule bienveillance du petit George Osborne, auquel il voua, en conséquence, une de ces amitiés et de ces affections telles que les enfants sont seuls capables d’en ressentir ; une de ces affections telles que, dans les charmants contes de fées, nous voyons le valeureux Orson en éprouver pour la jeune et belle Valentine, sa maîtresse bien-aimée. C’est ainsi que Dobbin se mettait aux pieds du petit Osborne et le chérissait de toute son âme. Avant de faire ainsi connaissance, il admirait en secret Osborne, et maintenant il était son valet, son petit chien, son Vendredi. Il croyait qu’Osborne réussissait toutes les perfections, qu’il était le plus beau, le plus brave, le plus actif, le plus adroit, le plus généreux de tous les garçons nés et à naître. Il partageait son argent avec lui. C’étaient, à n’en plus finir des cadeaux de couteaux, de porte-crayons, de cachets en or, de café, de petites fauvettes, de livres d’histoire et de grandes images de chevaliers et de voleurs sur lesquelles on pouvait lire les inscriptions suivantes : « À George Sedley Osborne, esquire, son ami dévoué, William Dobbin ; » et George recevait ses dédicaces avec toute la dignité qui convenait à son mérite supérieur.

Aussi, quand le lieutenant Osborne vint à Russell-Square le jour de la partie du Vauxhall, il dit à mistress Sedley :

« Madame, j’espère que vous m’accorderez une place pour