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pagnait point le brave *** jusqu’au milieu de la mêlée, ce n’était point par manque de courage, mais seulement par un sentiment de délicatesse et de retenue féminine ; ses vœux du moins étaient avec ces braves soldats.

Dans les grandes circonstances, mistress O’Dowd avait coutume de lire avec la plus religieuse attention quelques pages d’un énorme volume de sermons composés par son oncle le doyen. Sur le point de faire naufrage à son retour des Indes-Occidentales, elle avait puisé dans ce livre une énergie et une force nouvelles. Elle chercha alors dans ce volume des sujets de méditation, peut-être sans bien comprendre ce qu’elle lisait. Son esprit avait peine à se détacher des préoccupations qui l’accablaient ; en vain elle avait placé à côté d’elle sur l’oreiller le bonnet de coton du pauvre Mick, ses paupières étaient restées sans sommeil.

Ainsi va le monde. Pierre et Jacques courent à la gloire, le sac sur le dos, et fredonnant gaiement : Adieu ! cher ange, il faut partir. Derrière eux un cœur aimant se consume dans l’incertitude de l’avenir et dans d’amers retours sur le passé.

Bien persuadée de l’inutilité des regrets, qui n’ont pour résultat que de nous rendre plus malheureux, Rebecca jugea à propos de se dispenser de ces émotions aussi superflues que fatigantes. Elle supporta le départ de son mari avec l’héroïsme d’une fille de Sparte.

Le capitaine Rawdon, au moment des adieux, était beaucoup plus ému que cette petite créature pleine de résolution et d’énergie ; il aimait et adorait sa femme avec l’effusion d’une âme violemment éprise ; car les mois qu’il venait de passer avec elle depuis leur mariage lui paraissaient les plus beaux et les plus heureux de sa vie. Les courses, le régiment, la chasse, le jeu, ses intrigues précédentes avec les modistes et les danseuses de l’Opéra, tous ces triomphes faciles, tout son passé, en un mot, lui semblait fade et insipide en comparaison des voluptés nouvelles que lui avait fait connaître cette union légalement contractée. Et, il faut le dire, Rebecca avait eu le talent de conduire son robuste Adonis de distractions en distractions, et de lui faire trouver sa maison mille fois plus agréable, plus charmante que tous les lieux de plaisir qui l’attiraient jadis.

Sur le point d’aller se faire estropier pour la gloire, il se mit à maudire ses extravagances passées, à gémir tristement sur