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genre avec la plage et la troupe de baigneuses sur le premier plan, et dans le lointain une chaîne de rochers et de maisons étincelant aux premiers feux du soleil. Rebecca avait paré sa figure de son plus tendre et de son plus aimable sourire ; elle tendit à Briggs sa petite main blanche en allant au-devant d’elle. Briggs pouvait-elle repousser cette démonstration amicale.

« Ah ! miss Sh… mistress Crawley, » fit-elle.

Mistress Crawley lui prit la main, la serra contre son cœur, puis, comme si elle eût cédé à l’entraînement de son émotion, elle jeta ses bras autour du cou de Briggs et l’embrassa avec une effusion pleine d’une apparente sincérité.

« Ah ! ma bien bonne amie, » dit-elle d’un ton si naturel que Briggs se mit incontinent à fondre en larmes, et que la fille des bains en fut attendrie.

Rebecca obtint sans peine de Briggs de longues et délicieuses confidences. Briggs raconta et commenta tous les événements accomplis chez miss Crawley, depuis la disparition subite de Becky jusqu’au présent jour ; elle couronna son récit par les détails de la retraite si inattendue et si désirée de mistress Bute. Les symptômes de la maladie de miss Crawley, les moindres circonstances de son traitement médical furent exposés par cette honnête fille avec l’ampleur et la complaisance que les femmes mettent toujours à s’étendre sur cette matière. C’est toujours avec un nouveau plaisir qu’elles causent entre elles de leurs malaises et de leur docteur. Briggs suivit, en cette occasion, l’exemple des personnes de son sexe, et Rebecca ne s’en plaignit point ; elle ne pouvait assez répéter combien elle était heureuse de penser que l’excellente Briggs, la fidèle Firkin étaient restées auprès de leur bienfaitrice pour la soulager dans ses souffrances. La Providence avait droit pour ce seul motif à ses plus vives actions de grâce.

Alors Rebecca, revenant sur sa conduite, lui faisait voir comment, malgré les apparences, sa faute était cependant bien naturelle et bien excusable. Pouvait-elle refuser sa main à l’homme qui avait trouvé le chemin de son cœur ? Pour toute réponse, la sensible Briggs éleva les yeux au ciel, poussa un soupir de sympathie, car elle aussi avait autrefois connu ces tendresses de cœur : Rebecca, en somme, n’était donc pas bien criminelle.

« Ah ! je n’oublierai jamais, disait cette dernière, que