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ciété où certains êtres peuvent vivre, grâce à moi, mon fils n’aurait peut-être pas tant de motifs de faire le fier, monsieur, et de tirer supériorité de ses airs de grand seigneur. »

Le vieil Osborne appuya en prononçant ces mots avec une intention ironique.

« De mon temps, on ne croyait pas qu’il fût d’un gentilhomme d’insulter son père. Si j’avais rien fait de pareil, monsieur, le mien m’aurait jeté à coups de pied à la porte, monsieur.

— Je ne vous ai point insulté, monsieur. Je vous ai seulement prié de vous souvenir que j’étais aussi gentilhomme que vous. Je sais très-bien que vous me donnez de l’argent à discrétion, continua George en serrant dans ses doigts un paquet de bank-notes que M. Chopper lui avait délivré le matin même. Mais vous en êtes fastidieux avec vos répétitions. Craignez-vous donc que je ne l’oublie ?

— Vous devriez avoir autant de mémoire pour tout le reste, monsieur, répliqua le père de plus en plus irrité ; vous devriez vous rappeler que dans cette maison, aussi longtemps que vous daignerez l’honorer de votre présence, je suis le maître, moi, que ce nom… et que vous… et je veux…

— Quoi, monsieur ? dit George avec un sourire moqueur ; et il remplit de nouveau son verre.

— Mille tonnerres !… s’écria son père avec un effroyable jurement, que ce nom des Sedley ne soit plus prononcé ici, monsieur ; non, je ne veux rien qui me rappelle cette damnée engeance !

— Ce n’est pas moi, monsieur, qui le premier ai mis en avant le nom de miss Sedley ; mes sœurs en disaient du mal à miss Swartz, et je me suis promis de la défendre en toute rencontre. Personne ne traitera légèrement ce nom en ma présence. Notre famille lui a déjà fait assez d’affronts, il est temps d’arrêter la calomnie devant la ruine de ces malheureux : le premier qui s’avisera de parler contre elle sentira le poids de ma main.

— Allez donc, monsieur, allez donc, dit le vieux père dont les yeux sortaient de leurs orbites.

— Oui, certes, monsieur ! Je prétends persévérer dans mes sentiments pour cette angélique jeune fille. Si je l’aime, vous n’avez qu’à vous en prendre à vous. J’aurais peut-être adressé