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ture, il ne laissait point de place au doute par rapport à ses intentions. Lorsque d’un coup de pied il précipitait un de ses valets du haut de son escalier, c’était une ouverture pour engager celui-ci à quitter son service. Avec sa rondeur, son tact ordinaires, il promit à mistress Haggistoun de lui souscrire un billet à vue de dix mille livres, le jour où son fils épouserait sa pupille : il appelait cela une ouverture, et pensait avoir agi en diplomate consommé touchant la susdite héritière. Il fit aussi une ouverture à George ; il lui ordonna de l’épouser sur-le-champ, tout comme il aurait dit à son sommelier de déboucher une bouteille, ou à son secrétaire d’écrire une lettre.

Cette ouverture du genre impératif fut accueillie par George avec une vive contrariété. Il était alors dans le premier enthousiasme, dans le premier feu de sa réconciliation avec Amélia, et jamais ses chaînes ne lui avaient paru si douces. La comparaison de ses manières, de sa tournure avec celles de miss Swartz, lui montrait une union avec celle-ci sous des traits doublement burlesques et odieux.

« Des voitures et des loges à l’Opéra, se disait-il, où l’on me verra à côté de mon enchanteresse couleur acajou ! J’en ai assez ! »

Il faut dire que le jeune Osborne était bien aussi entêté que le vieux. Quand il voulait quelque chose, rien ne pouvait l’ébranler dans sa résolution, et, si les fureurs du père étaient terribles, celles du fils ne valaient guère mieux.

La première fois que son père lui signifia d’un ton impératif qu’il aurait à déposer ses hommages aux pieds de miss Swartz, Georges songea à opposer la temporisation à l’ouverture du vieillard.

« Vous auriez dû y penser plus tôt, mon père, lui dit-il ; cela est impossible maintenant : d’un moment à l’autre nous allons recevoir nos ordres de départ. Ce sera pour mon retour, si tant est que j’en revienne ; et il s’efforçait pour lui faire sentir que c’était fort mal prendre son temps pour conclure un mariage que de choisir précisément celui où le régiment était menacé à chaque instant de quitter l’Angleterre. Le peu de jours qui restaient devaient être consacrés aux préparatifs de campagne, et non à des serments d’amour. Il songerait tout à son aise à se marier quand il aurait son brevet de major. Car, je vous le jure, continuait-il d’un air joyeux et déterminé, vous