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tations chez les plus hauts personnages. Il n’était plus question que de George et de ses brillantes connaissances auprès de leur nouvelle et bien chère amie.

Le vieil Osborne, de son côté, voyait là pour son fils une excellente occasion. George laisserait l’armée pour le parlement, et prendrait sa place dans les salons et la politique. Le sang du vieillard bouillait dans ses veines quand il pensait que le nom des Osborne pourrait être anobli dans la personne de son fils, et pour lui il se voyait déjà le tronc d’une glorieuse lignée de baronnets. Dans la Cité et à la Bourse, il se mit en quête des renseignements les plus complets sur la fortune de l’héritière, sur la nature de ses biens, sur la situation de ses immeubles. Le jeune Fréd Bullock, qui lui avait fourni les indications les plus détaillées, aurait bien pris l’affaire pour son propre compte (ce sont les expressions même du jeune banquier), si déjà il n’avait pas été fiancé à Maria Osborne. Ne pouvant donc faire sa femme de miss Swartz, ce désintéressé jeune homme aurait bien voulu en faire tout au moins sa belle-sœur.

« Que George marche à l’assaut franchement, continua-t-il sur le ton de la plaisanterie, et l’enlève à la pointe de l’épée ; il faut frapper le fer pendant qu’il est rouge, comme on dit, et la prendre au débotté. Dans une semaine ou deux, quelque petit freluquet de nos quartiers aristocratiques viendra lui offrir son titre avec une fortune à refaire, et nous autres gens de la Cité, nous en serons pour nos frais, comme c’est arrivé l’année dernière pour lord Fitzrufus, et miss Grogram, jusqu’alors fiancée à Podder de la maison Podder et Brown. Le plus tôt, c’est le mieux, M. Osborne, tel est mon sentiment. »

Quand M. Osborne fut parti, M. Bullock se souvint alors d’Amélia, de la grâce aimable de cette jeune fille si attachée à George Osborne, et il préleva bien sur son temps dix précieuses secondes pour déplorer le malheur qui avait frappé cette innocente enfant.

Ainsi, pendant que l’inconstant George Osborne revenait aux pieds d’Amélia, sous l’inspiration de son bon génie personnifié dans l’excellent Dobbin, son père et ses sœurs préparaient pour lui un brillant mariage, sans croire à aucun obstacle possible de sa part.

Lorsque le vieil Osborne faisait ce qu’il appelait une ouver-