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tives sur cette riche héritière, Mrs. Haggistoun, veuve du colonel Haggistoun, lui servait de chaperon et avait la haute main dans la maison. Elle venait de quitter la pension, et George et ses sœurs l’avaient rencontrée dans une soirée chez le vieux Hulker, Devonshire-Place. Hulker, Bullock et Comp, étaient depuis longtemps les correspondants de la maison.

Les demoiselles Osborne lui avaient fait toutes les chères possibles, et l’héritière y avait répondu avec un grand laisser-aller. Les demoiselles Osborne trouvaient qu’une orpheline dans sa position, avec tant d’argent surtout, était quelque chose de bien intéressant. Elles avaient la tête et la bouche pleines de leur nouvelle amie, quand elles revinrent de Hulker-Hall, auprès de miss Wirt, leur demoiselle de compagnie. Dès le lendemain, leur voiture les conduisit chez elle.

Mrs. Haggistoun, veuve du colonel Haggistoun, parente de lord Binkie, dont elle ramenait toujours le nom dans la conversation, avait tourné la tête à ces simples ou plutôt à ces orgueilleuses jeunes filles trop disposées à parler de leurs illustres connaissances. Quant à Rhoda, elle avait toutes les qualités désirables, de la franchise, de la bonté, de l’amabilité ; elle n’était pas encore bien au courant du monde, mais elle avait un si bon caractère ! Dès la première entrevue, ces demoiselles s’appelèrent de leur nom de baptême.

« J’aurais voulu que vous vissiez sa robe de cour, Emmy, disait Osborne se pâmant de rire ; elle est venue la montrer à mes sœurs avant sa présentation par milady Binkie, parente d’Haggistoun. Ses diamants brillaient comme l’éclairage du Vauxhall, la nuit que nous y avons passé ensemble. Vous rappelez-vous le Vauxhall et la voix passionnée de Jos et : Ma chère petite Louloute ?… Diamants et acajou, ma chère ! Quel heureux contraste ! Et des plumes blanches dans les cheveux, c’est-à-dire dans la toison. Ses boucles d’oreille ressemblaient à des lustres, et, pour achever cette toilette, une robe à queue de satin jaune qui traînait derrière elle comme la chevelure lumineuse d’une comète.

— Quel âge a-t-elle ? demanda Emmy, lorsque George eut fini de débiter, avec une volubilité sans égale, cette belle tirade sur son enchanteresse d’ébène.

— Cette reine de Congo, bien qu’elle vienne de quitter la pension, doit avoir environ vingt-deux ou vingt-trois ans. Je