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CHAPITRE XIX.

Miss Crawley et sa garde-malade.


Nous avons vu avec quelle ponctualité mistress Firkin, la femme de chambre de miss Crawley, s’empressait de notifier à mistress Bute Crawley les événements de quelque importance pour la famille, dès qu’ils arrivaient à sa connaissance. Nous avons aussi indiqué de quels bons procédés, de quelles attentions particulières cette excellente dame honorait la femme de confiance de miss Crawley. Elle témoignait enfin à miss Briggs, la demoiselle de compagnie, l’amitié la plus cordiale. Les bonnes dispositions de cette dernière lui étaient assurées par mille de ces petits soins et promesses qui coûtent si peu et sont cependant d’une si grande influence sur la personne qui en est l’objet.

Une habile ménagère qui s’entend à son métier, sait combien ces paroles aimables sont faciles à dire et quel prix elles donnent aux faits les plus insignifiants de la vie. C’est un sot que celui qui a dit que les belles paroles ne sauraient remplacer le beurre dans les épinards. La moitié du temps, les épinards de la société ne seraient pas mangeables si on ne les accommodait avec cette sauce oratoire. Une douce parole, adroitement placée, aura de plus grands résultats que des espèces sonnantes offertes par un imbécile. Les espèces sonnantes pèsent sur certains estomacs, qui digèrent mieux les belles paroles sans éprouver jamais la satiété. Mistress Bute avait si souvent parlé à Briggs et à Firkin de la vivacité de son affection à leur endroit, de ce qu’elle ferait pour des amis si dévoués dans le cas où la fortune de miss Crawley lui arriverait, que les susdites personnes nourrissaient pour elle la plus haute considération. Elles lui étaient aussi dévouées, leur gratitude était aussi profonde que si mistress Bute les eût comblées des plus magnifiques faveurs.

Rawdon Crawley, sous son épaisse et égoïste enveloppe de soldat ne s’était jamais préoccupé de mettre dans ses intérêts