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antécédents et son origine. D’ailleurs, la meilleure entente ne cessait de régner entre les serviteurs de la cure et ceux du château. Il y avait toujours à la cuisine du presbytère un bon verre d’ale pour les gens du château, dont la ration à l’ordinaire était fort congrue. Mais, en revanche, la femme du ministre savait, à une mesure près, ce qu’il entrait de bière dans chaque tonneau du château ; sans compter que des liens de parenté existaient entre les domestiques comme entre les maîtres ; par ce canal, chaque famille était mise au courant des faits et gestes de ses voisins. Règle générale : Êtes-vous bien avec votre frère, ses actes vous sont indifférents ; êtes-vous en pique avec lui, vous êtes informé de ses allées et venues comme si une police secrète était à votre disposition.

Peu après son arrivée, Rebecca eut une place officielle dans les bulletins que mistress Crawley recevait de la Hall. Voici un spécimen : — On a tué le cochon noir — il pesait tant de livres — on a salé les côtes — à dîner on a servi un pouding de porc — M. Cramp de Mudbury, assisté de sir Pitt, a mis John Blackmore sous les verroux — M. Pitt a tenu un meeting — (nom des assistants) — rien de nouveau pour milady — les jeunes demoiselles sont avec leur gouvernante.

Le rapport continuait ainsi : — La nouvelle gouvernante est une excellente ménagère — sir Pitt est fort prévenant avec elle — M. Crawley aussi — Il lui lit ses brochures.

« Voyez cette intrigante ! » disait la petite, vive, alerte et noiraude mistress Crawley.

Les rapports finirent par dire que l’institutrice avait circonvenu tout le monde. Elle écrivait les lettres de sir Pitt, expédiait ses affaires, dressait ses comptes, menait à sa guise toute la maison, milady, M. Crawley, les petites filles et le reste : sur quoi mistress Crawley déclarait que c’était une artificieuse coquine, et qu’elle avait en tête quelque terrible projet. Les événements du château faisaient ainsi le principal sujet des conversations à la cure, et les yeux perçants de mistress Bute Crawley voyaient les moindres mouvements du camp ennemi, et plus encore.