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« À quoi bon faire partie du parlement, disait-il, si c’est pour payer ses dettes ? »

Pour lui rendre justice, il savait tirer tout le parti possible de sa chaise curule.

Foire aux Vanités ! foire aux vanités ! Voilà un homme à peine capable d’épeler et ne se souciant point de lire ; un homme qui a les allures et la ruse d’un paysan, dont la passion est la chicane, sans autres goûts, sans autres émotions, sans autres plaisirs que ceux d’une âme sordide et bête, et il possède cependant rang, honneur et puissance ; il compte parmi les dignitaires du pays, les piliers de l’État ; il est grand shérif et va en équipage doré. De grands ministres, des hommes d’État lui font la cour. Dans la foire aux Vanités, il a une place plus élevée que celle du plus brillant génie, de la vertu la plus immaculée.

Sir Pitt avait une belle-sœur demoiselle, à laquelle sa mère avait laissé une immense fortune. Le baronnet lui avait bien déjà proposé de lui prendre son argent avec hypothèque ; mais miss Crawley avait refusé cette offre et aimait mieux placer ses fonds en immeubles. Elle avait toutefois manifesté l’intention de partager également sa fortune entre le second fils de sir Pitt et la famille du ministre. Elle avait en outre, une fois ou deux, payé les dettes de Rawdon Crawley au collége et à l’armée. Miss Crawley était en conséquence l’objet de la plus grande vénération quand elle venait à Crawley-la-Reine ; car elle avait chez son banquier une balance capable de la faire aimer partout où elle se serait présentée.

Que de supériorité ajoute à une vieille lady une balance chez le banquier ! De quel œil indulgent nous voyons ses fautes si c’est une parente. Puisse le lecteur en avoir une vingtaine de la sorte ! Quel excellent caractère nous trouvons à cette vieille créature ! Avec quel air souriant les commis des plus grands magasins la reconduisent à sa voiture marquée du bienheureux losange[1], et surmontée d’un cocher gras et bouffi ! Quand elle vient nous faire visite, comme nous avons soin d’instruire fort à propos nos amis de son rang dans le monde ! nous disons, et c’est la vérité toute pure :

  1. Le losange dans les armoiries indique une héritière restée fille. (Note du traducteur.)