lourde amende infligée à Walpole Crawley, premier baronnet, pour malversation dans l’envoi des sceaux et parchemins. Sir Walpole était un bon vivant, véritable bourreau d’argent (alieni appetens, sui profusus, aurait dit M. Crawley avec un soupir) ; de son temps on le chérissait dans le comté pour ses tonneaux toujours en perce et la bonne hospitalité que l’on rencontrait à coup sûr à Crawley-la-Reine. Les caves étaient garnies de bourgogne, les chenils de chiens de chasse, les écuries de bons chevaux. Maintenant, à Crawley-la-Reine, les quadrupèdes de cette dernière espèce allaient à la charrue ou traînaient l’omnibus de Trafalgar. C’est par un de ces attelages, un jour où on ne labourait pas, que miss Sharp fut conduite au château ; car tout rustre qu’il était, sir Pitt se montrait chez lui fort chatouilleux sur le décorum. Il sortait rarement sans une voiture à quatre chevaux, il mangeait du mouton bouilli à son dîner, mais il se faisait toujours servir par trois laquais.
Si la lésinerie pouvait à elle seule faire la fortune d’un homme, sir Pitt Crawley aurait été l’homme le plus riche de la terre. Mettons-le avocat dans une ville de province, sans autre capital que sa cervelle, il en aurait tiré fort probablement un excellent parti, en se procurant avec son aide influence et crédit ; mais malheureusement il sortait de bonne famille, il possédait une fortune considérable bien qu’embarrassée, cette complication était pour lui plus nuisible qu’utile. Il avait un goût prononcé pour la chicane, ce qui lui coûtait plusieurs milliers de livres sterling par an. Étant trop fin, comme il le disait, pour se laisser voler par un agent, il en chargeait une douzaine du soin de mal mener ses affaires, sans qu’aucun lui inspirât la moindre confiance.
Comme propriétaire, il se montrait si dur qu’il ne se présentait pour être fermiers chez lui que des banqueroutiers. Par avarice il rognait à la terre sa portion de semence, et la nature, pour s’en venger, lui rognait ses récoltes et réservait ses libéralités à des cultivateurs plus généreux. Il se lançait dans toute espèce de spéculations ; il travaillait dans les mines, achetait des actions de canaux, montait des services de voitures, passait des traités avec le gouvernement, et était l’homme et le magistrat le plus affairé du comté. Trouvant que d’honnêtes employés pour ses carrières lui coûtaient trop cher,