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« Samedi. — Ce matin, à cinq heures, j’ai entendu les vagissements du petit cochon noir ; hier, Rose et Violette m’avaient présentée à lui et conduite dans les étables, au chenil, près du jardinier qui cueillait du fruit pour l’envoyer au marché. Elles lui demandèrent la permission de prendre un grappillon à la treille ; mais il répondit que sir Pitt en avait numéroté les grains, et qu’il lui en coûterait sa place s’il leur en donnait. Les petites espiègles attrapèrent un poulain dans le pré, et me demandèrent si je voulais aller dessus ; puis elles se mirent elles-mêmes à l’enfourcher ; le groom accourut en poussant d’épouvantables jurons et les mit en fuite.

« Lady Crawley ne quitte pas son tricot. Sir Pitt fait chaque soir une excursion dans les vignes du Seigneur, en compagnie, je crois, d’Horrocks le sommelier. M. Crawley nous lit des sermons pendant toute la soirée, et le matin il s’enferme dans son cabinet, ou se rend à cheval à Mudbury pour les affaires du comté, ou à Squashmore, pour y prêcher, devant les habitants de l’endroit, les vendredis et les lundis.

« Mille compliments affectueux pour votre cher papa et votre chère maman. Votre pauvre frère est-il remis de son rack-punch ? Oh ! ma chère, ma chère, combien les hommes devraient se défier des effets du punch !

« Tout à vous et pour toujours,
« Rebecca. »-----

Tout bien considéré, il vaut autant, suivant nous, pour notre chère Amélia Sedley de Russell-Square, que miss Sharp ne soit plus auprès d’elle ; car, au demeurant, c’est une drôle de créature que Rebecca. Ces descriptions sur cette dame qui pleure sa beauté perdue, et ce monsieur aux favoris couleur de foin fané et aux cheveux jaune pâle, sont fort piquantes et témoignent d’une connaissance trop hâtive du monde. Et puis chacun de nous conviendra qu’étant agenouillée elle avait mieux à faire qu’à penser aux rubans de miss Horrocks. Mais notre cher lecteur se rappellera que cette histoire annonce sur son titre, en gros caractères, la Foire aux Vanités, et la foire aux Vanités est une place où l’on rencontre toutes les vanités, toutes les dépravations, toutes les folies, où l’on se coudoie avec toutes sortes de grimaces, de faussetés et de prétentions. C’est que,