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vivre chez le colonel auprès de sa mère, et mistress Becky revint quelques jours après tenir compagnie au pauvre Joseph qui se voyait par là plongé dans l’isolement du célibat. Ses goûts, disait-il, le portaient à vivre sur le continent ; et il remercia sa sœur et son beau-frère du logement qu’ils lui offraient chez eux.

Emmy se félicitait du fond de son cœur d’avoir écrit à Dobbin avant d’avoir connu la lettre de George.

« Je connais tout cela, répondit William, mais je ne pouvais me résoudre à employer de pareilles armes contre la mémoire d’un ami, et vous ne pouvez vous imaginer combien j’ai souffert le jour où…

— Ne parlons plus jamais de cela, s’écria Emmy avec une expression si humble et si confuse que William s’empressa de détourner la conversation en lui parlant de Glorvina et de cette chère Peggy O’Dowd, auprès desquelles il se trouvait quand il avait reçu sa lettre de rappel. Si vous ne m’aviez pas écrit, ajouta-t-il en souriant, qui sait quel serait aujourd’hui le nom de Glorvina ? »

Maintenant, Glorvina s’appelle Glorvina Posky ou plutôt mistress la major Posky. Elle épousa le major à la mort de sa première femme, car elle était décidée à ne point prendre de mari en dehors du régiment. Lady O’Dowd a, de son côté, un si grand attachement pour ce régiment, qu’elle répète à qui veut l’entendre que dans le cas où il arriverait malheur à son bon Mick, elle n’hésiterait pas à reprendre un nouveau mari parmi les officiers du même régiment. Mais, grâce à Dieu, le major général est doué d’une constitution robuste, et il vit en grand seigneur à O’Dowd’s-Town, au milieu d’une meute de bassets. Quant à lady O’Dowd, elle continue à danser des gigues, et, au dernier bal du lord lieutenant, elle a mis sur les dents le maître de cavalerie. Elle allait répétant avec Glorvina que Dobbin s’était conduit à en être honteux, jusqu’au moment où Posky est venu fort à propos consoler Glorvina de ses espérances trompées, et un magnifique turban, venu de Paris, a apaisé les colères de très-haute et très-puissante lady O’Dowd.

Le colonel Dobbin, en quittant le service immédiatement après son mariage, alla s’établir dans une jolie petite maison de campagne de l’Hampshire, non loin de Crawley-la-Reine, où, depuis le bill de réforme, sir Pitt et sa femme avaient fixé