Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’indéfinissable tendresse, elle y lut à la fois un mélange d’amour, de dévouement et de compassion ; elle comprit le reproche, et laissa tomber sa tête sur sa poitrine.

— Il était temps que vous me rappelassiez, chère Amélia, lui dit-il.

— Vous ne seriez donc jamais revenu, William.

— Jamais ! » répondit notre ami.

Et il pressait contre son cœur cette charmante et douce créature.

Comme ils sortaient de la douane, George s’élança à leur rencontre, son télescope collé sur son œil, et leur faisant le plus joyeux accueil. Il dansait autour d’eux et gambadait comme un fou tout en les accompagnant à la maison. Jos n’était pas encore levé, Becky n’était pas encore visible, bien qu’elle les eût fort bien aperçus à travers les fentes des persiennes. Georgy alla voir à la cuisine si l’on préparait le déjeuner. Emmy, qui avait remis dans l’antichambre son châle et son chapeau aux mains de mistress Paym, rentra pour débarrasser le major de son manteau, et… et si vous le voulez bien, nous irons avec Georgy donner un coup d’œil à la confection du déjeuner du colonel.

La tourterelle est enfin en cage, elle vient se poser sur l’épaule de son ami, elle chante maintenant et gazouille pour lui seul, elle agite doucement ses ailes avec un frémissement de joie ; et il possède le trésor après lequel, depuis dix-huit ans, il soupirait jour et nuit. Maintenant ses vœux sont remplis. Ici notre plume s’arrête, car c’est ici le terme de notre œuvre et la dernière page de cette histoire. Adieu colonel, Dieu veille sur vous, brave et honnête William ! adieu, chère et tendre Amélia ! Attachez maintenant vos rameaux verts, pauvre lierre fragile, autour de ce chêne vigoureux, et que désormais vos branches vivent enlacées et confondues !

Soit qu’elle ne voulût point jeter de nuage sur le bonheur de la simple et douce créature qui avait si bien pris sa défense, ou bien qu’elle eût horreur de tout ce qui avait l’air de tourner au sentiment, Rebecca, enchantée des résultats de sa négociation, ne chercha point à se retrouver avec le colonel Dobbin et l’amie qu’elle lui avait fait épouser. Sous prétexte d’affaires personnelles, elle se rendit à Bruges, et Georgy, avec son oncle, assista seul à la cérémonie du mariage. Après quoi Georgy alla