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cour avec lui, et fait tout au monde auprès de Dobbin pour que celui-ci ne négligeât point de prendre les insignes de son grade. Son intention bien formelle était de se présenter dans les cours étrangères et d’aller offrir ses devoirs aux souverains des pays qu’il devait honorer de sa visite.

Dans tous les pays où s’arrêtait la petite caravane, M. Jos s’empressait de déposer sa carte et celle du major chez le consul anglais, et on eut toutes les peines du monde à l’empêcher de mettre son chapeau à corne et à ganses d’or pour aller dîner chez le représentant de la nation britannique dans la ville libre de Judenstadt, par qui nos voyageurs avaient été invités à dîner. Jos tenait un journal exact de son voyage et y consignait, avec une scrupuleuse exactitude, les défauts ou les qualités des hôtels dans lesquels il descendait et le menu des dîners qu’il y avait pris.

Quant à Emmy, elle goûtait un bonheur pur et sans mélange ; Dobbin portait son pliant, son album, et avait toujours de l’admiration au service de ses dessins. Quelle différence pour elle, qui jusqu’alors n’avait point su ce que c’était que les éloges et l’admiration ! Assise sur le pont du navire, elle esquissait les rochers ou les châteaux qui s’étalaient sur les deux rives du fleuve, ou bien, à dos de mulet, allait visiter de vieilles forteresses en ruine, escortée de ses deux aides de camp, Georgy et Dobbin. Elle riait avec le major de la singulière figure qu’il faisait sur sa monture avec ses deux jambes pendantes de chaque côté jusqu’à terre. Le bon major servait d’interprète à la petite troupe, car il savait de la langue allemande ce qui était nécessaire à sa profession de soldat. Il refaisait, avec George, ravi de toutes ces excursions, les campagnes du Rhin et du Palatinat. Grâce à ses conversations soutenues avec meinherr Kirsch sur le siége de la voiture, maître George fit de rapides progrès dans la connaissance de l’allemand ; il parlait cette langue avec les garçons d’auberge et les postillons d’une façon qui charmait sa mère et amusait son tuteur.

Quant à M. Jos, tandis que ses compagnons se livraient à ces fatigantes excursions de l’après-midi, il allait, son dîner fini, goûter les douceurs du sommeil, ou, assis sous des berceaux de verdure dans les jardins de l’hôtel, il se chauffait aux rayons du soleil. Jardins enchantés qui bordez le noble fleuve, séjour splendide de paix et de lumière, monts orgueilleux dont la tête