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Les amis de Jos, aussi bien les hommes que les femmes, commencèrent à prendre comme un subit intérêt à la pauvre Emmy jusque-là si dédaignée, et leurs lettres de condoléance montèrent bien vite en tas sur sa table. Jos lui-même, qui la traitait auparavant comme une créature sans portée envers laquelle il exerçait la charité, et qui la nourrissait et la protégeait comme par devoir, Jos se mit à avoir pour elle ainsi que pour son riche neveu les plus grands égards. Son unique souci était désormais de la promener de plaisirs en plaisirs pour faire oublier « à cette pauvre chère enfant, » comme il disait, ses temps de peines et de chagrins. Il était désormais fort ponctuel aux heures des repas, et ne manquait pas de lui demander quels étaient ses projets pour le reste du jour.

En qualité de tutrice de Georgy, et avec l’assentiment du major, comme subrogé tuteur, elle engagea miss Osborne à rester à Russell-Square aussi longtemps qu’elle le voudrait. Cette demoiselle lui en fit de grands remercîments et lui déclara qu’elle ne se sentait pas le courage de vivre dans cette triste et solitaire maison : elle se retira donc à Cheltenham avec deux anciens domestiques. Quant au reste de la maison, il fut congédié avec de larges gratifications. Mistress Osborne aurait volontiers conservé le vieux sommelier, qui préféra monter à son compte un petit hôtel avec ses économies. Espérons que la chance lui aura été favorable ! Miss Osborne, comme nous venons de le dire, n’avait point accepté l’offre de résider à Russell-Square. Mistress Osborne, après y avoir mûrement réfléchi, ne voulut point non plus aller de suite s’installer dans cette sombre et triste habitation. En conséquence, la maison fut démeublée ; le riche mobilier, les candélabres massifs, les glaces de Venise furent emballés et serrés avec soin, le meuble de salon en bois de rose fut soigneusement entouré de paille, les tapis roulés et ficelés ; des livres de choix et bien reliés trouvèrent place dans des caisses pour y attendre la majorité de George ; enfin toute la lourde et massive vaisselle fut envoyée chez les banquiers de la maison pour attendre la même époque.

Un jour Emmy, accompagnée de George, vint faire une visite dans cette maison maintenant déserte et où elle n’était pas entrée depuis l’époque qui avait précédé son mariage. Dans la cour était encore une partie de la paille qui avait servi à