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maître George. Tous deux avaient le même goût pour le théâtre et les tartelettes ; pour les glissades des jardins de Regent’s-Park lorsque le temps le permettait, ou pour aller au sortir du spectacle, où les accompagnait Rawson, le valet de pied de maître George, prendre des sorbets au café voisin.

Ils allaient à tous les théâtres de la capitale, savaient les noms de chacune des actrices, et en présence de leurs jeunes amis, donnaient sur leurs théâtres de carton la représentation des pièces qu’ils avaient vues. Quelquefois Rawson, qui avait l’âme généreuse, régalait ses jeunes maîtres de quelques douzaines d’huîtres après le théâtre, avec un petit verre de liqueur pour mieux faire dormir les enfants. Rawson, du reste, trouvait son compte à toutes ces complaisances, et en était largement récompensé par la générosité de son jeune maître.

Un des plus fameux tailleurs de la haute aristocratie avait la haute mission d’habiller maître George ; M. Osborne pouvait bien se contenter des ravaudeurs de la Cité, comme il disait, mais ils étaient indignes de faire les vêtements de maître George ; peu importait la dépense, tel était l’ordre donné au grand tailleur, et au bout de quelques jours, il envoyait à maître George une garde-robe des mieux montées en habits, vestes et culottes. Il s’y trouvait des vestes en casimir blanc pour les soirées, des vestes en velours pour les dîners, une robe de chambre en cachemire pour l’appartement. George paraissait tous les jours au dîner tiré à quatre épingles comme un vrai gentilhomme, suivant l’expression de son grand-père. Un domestique, attaché à sa personne, lui aidait à faire sa toilette, accourait à son coup de sonnette et lui apportait ses lettres sur un plateau d’argent.

Après le déjeuner, Georgy se prélassait dans le grand fauteuil de la salle à manger et y lisait le Morning-Post comme un homme de taille ordinaire.

« Comme il jure et sacre bien, » se disaient entre eux les domestiques émerveillés de sa précocité.

Ceux qui se souvenaient du capitaine son père disaient qu’il lui ressemblait trait pour trait. Son humeur vive, impérieuse et enjouée mettait en branle toute la maison.

La soin de l’éducation de George fut confié à un pédant du voisinage qui tenait une maison où la jeune noblesse était pré-