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Rawdon descendre les escaliers, elle l’avait entendu refermer la porte sur lui. Elle savait qu’il ne reviendrait plus, qu’il était parti pour toujours. Songeait-il à commettre un suicide ? Non, pas du moins tant qu’il ne se serait pas battu avec lord Steyne. Alors les pensées de cette malheureuse se reportèrent sur sa vie passée, sur les vicissitudes qu’elle avait traversées. Que de misères et de luttes pour aboutir à l’abandon et au désespoir ! Il ne lui restait plus que le poison pour en finir avec toutes ses espérances, ses intrigues, ses dettes, ses triomphes. Ce fut au milieu de ces réflexions que la trouva sa femme de chambre, créature que lord Steyne avait placée auprès d’elle.

« Mon Dieu, madame, qu’est-il donc arrivé ? » fit-elle en la voyant les yeux secs et les mains crispées au milieu de cette scène de désolation.

Et nous le demanderons comme elle. Qu’était-il donc arrivé ? était-elle coupable ? était-elle innocente ? Innocente, elle l’était, à l’en croire, du moins. Mais comment supposer que la vérité pût se trouver sur de pareilles lèvres ? Comment croire, en cette circonstance, à la pureté de ce cœur si dépravé ? Sa femme de chambre tira ses rideaux et insista avec un air d’intérêt et de sollicitude pour qu’elle se mît au lit, ce qu’elle finit par faire ; puis cette femme passa dans l’autre pièce, et rassembla tous les bijoux qui jonchaient le sol depuis le moment où Rebecca s’en était dépouillée sur l’ordre de son mari, et où lord Steyne s’était échappé de la maison.



CHAPITRE XXII.

Le lendemain de la bataille.


La maison qu’habitait sir Pitt Crawley, dans Great-Gaunt-Street, était au milieu de ses préparatifs du dimanche, lorsque Rawdon, toujours dans le même costume de bal qu’il n’avait pas quitté depuis deux jours, heurta en passant la femme qui balayait l’escalier, et entra précipitamment dans le cabinet de son frère. Lady Jane, en peignoir du matin, était à l’étage su-