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pour une santé chancelante et affaiblie, dans le désir de ne point compromettre la félicité éternelle d’une âme égarée, ou peut-être enfin, par suite de calculs intéressés, lady Southdown consentit à temporiser.

Le lendemain, la grande voiture de famille Southdown, portant sur ses panneaux la couronne de comte et le losange, avec des armoiries qui rappelaient les alliances avec les Binkie, s’arrêtait en grande pompe à la porte de miss Crawley. Un laquais d’une taille gigantesque, d’une mine grave et béate remit à M. Bowls, pour miss Crawley et miss Briggs, les cartes de sa maîtresse. Après cette première entrée en rapport, lady Émilie se donna, le jour même, la satisfaction d’envoyer sous bande à la demoiselle de compagnie les brochures citées plus haut, et principalement la Blanchisseuse, avec quelques autres traités à l’usage des domestiques, tels que : les Miettes de l’Office, la Poêle et le Fourneau, brochures dont le titre dit assez la haute portée !



CHAPITRE II.

Où Jim passe par la porte et sa pipe par la fenêtre.


Miss Briggs s’était sentie singulièrement flattée des prévenances de M. Crawley et du bon accueil de lady Jane. Aussi quand on apporta à Miss Crawley les cartes de la famille Southdown, les paroles élogieuses se pressèrent dans sa bouche sur le compte des visiteurs. La comtesse avait laissé une carte pour elle ! Il y avait là assurément de quoi rendre bien fière cette pauvre délaissée.

« Une carte de lady Southdown pour vous, qu’est-ce que cela signifie, miss Briggs ? pour ma part, je n’y comprends rien, » observa miss Crawley au nom de ses principes égalitaires.

Sa compagne lui fit humblement remarquer qu’il n’y avait aucun mal à ce qu’une dame de qualité accordât quelque attention à une honnête et pauvre fille.