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tune en viager ; de cette manière il évite à ses neveux et nièces de mauvaises pensées à son endroit ; et n’ayant plus aucun motif de défiance contre eux, il tâche de dîner chez eux le plus souvent possible.

La différence de religion mettait encore dans cette famille un cruel obstacle aux épanchements si doux qui, d’ordinaire, resserrent les liens de l’affection entre les mères et les enfants. Son amour pour ses fils redoublait chez lady Gaunt ses craintes et ses inquiétudes. L’abîme qui la séparait d’eux était infranchissable. Il lui était défendu de leur tendre sa faible main pour les attirer dans cette croyance hors de laquelle elle ne voyait point de salut. La pauvre mère espérait que le plus jeune au moins, l’enfant et ses prédilections, finirait par se réconcilier avec l’Église catholique ; mais, hélas ! de cruelles et dures épreuves étaient réservées à cette pauvre femme, qui les accepta comme le juste châtiment de son mariage avec un protestant.

Milord Gaunt épousa, comme le savent tous ceux qui ont mis le nez dans un dictionnaire de la Pairie, lady Blanche Thistlewood, fille de la noble famille de Bareacres, déjà nommée dans cette très-véridique histoire. Une aile de Gaunt-House fut affectée au jeune couple, car le chef de famille tenait à exercer son autorité et à l’exercer souverainement. Le fils, héritier futur de la fortune et des titres, vivait peu dans son intérieur et faisait assez mauvais ménage avec sa femme ; il souscrivait tous les billets qu’on lui présentait, se souciait peu de grever l’héritage qu’il devait recueillir un jour, et ne cherchait qu’à accroître par tous les moyens possibles le trop modeste revenu que lui faisait son père.

Au grand désespoir de lord Gaunt et pour la plus douce satisfaction de son ennemi naturel, nous voulons dire de son père, lady Gaunt ne lui donna point d’enfants. On songea en conséquence, à faire revenir lord George Gaunt, qui s’occupait à Vienne de valse et de diplomatie, et on le maria avec l’honorable Jeanne, fille unique de John Jones, baron du Vide-Gousset, et à la tête de l’importante maison de banque sous la raison sociale Jones, Brown et Robinson. De cette union il naquit plusieurs fils et filles qui n’ont rien à faire dans cette histoire.

Les premiers temps de cette union furent assez fortunés. Mi-