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CHAPITRE XI.

Où le lecteur se trouve dans la nécessité de doubler le cap.


Il faut que le lecteur se transporte maintenant avec nous à plusieurs milliers de lieues du pays qui jusqu’ici a servi de théâtre aux événements de cette histoire. Nous franchissons les mers et nous nous trouvons dans nos possessions anglaises de l’Inde, à la station militaire de Bundlegunge. C’est là, en effet, que nous devons retrouver nos anciens amis du brave ***, désormais sous les ordres du colonel sir Michel O’Dowd. Les années n’avaient pas trop maltraité ce robuste officier, comme il arrive d’ordinaire pour les hommes doués d’un solide estomac, d’un heureux caractère et d’une quiétude d’esprit que ne sauraient troubler les opérations intellectuelles.

Peggy O’Dowd, l’héritière des Maloneys, est toujours telle que nous l’avons jadis connue, le même désir d’obliger inspire ses pensées et ses paroles. Son humeur ardente, impérieuse et despotique, s’exerce principalement sur son Mick bien-aimé ; en un mot, elle est le grenadier des femmes de son régiment. Quant au major, il n’est point encore marié, et ce n’est point la faute de mistress O’Dowd, qui a décidé dans sa sagesse que Glorvina serait la femme de notre ami Dobbin, et n’a rien négligé pour faire réussir ce mariage. En effet, Glorvina ne répondait-elle pas parfaitement aux prétentions que pouvait élever le major ? n’était-elle pas une jolie fille aux couleurs roses, aux cheveux d’ébène, aux yeux célestes, une amazone aussi capable de mener le cheval que le piano, et possédant en un mot tout ce qui était nécessaire au bonheur de Dobbin ? Sans doute elle était bien plus faite pour lui convenir que cette pauvre et chétive Amélia, dont il n’avait pas cessé d’être le fervent et fidèle adorateur.

« Il suffit de voir comme Glorvina défile à la parade dans un salon, disait mistress O’Dowd, pour se convaincre que cette pauvre petite mistress Osborne n’est pas en état de soutenir la comparaison. Elle a la tournure d’une oie qui boite. Mon cher