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gnait la sœur par ces seuls mots soulignés la fiancée du major, et adressait au ciel des vœux et des prières pour son bonheur en mariage. La nouvelle de ce mariage lui permit de secouer la réserve qu’elle avait jusqu’alors observée vis-à-vis du major. Elle saisit avec empressement cette occasion de lui exprimer avec toute la vivacité de la reconnaissance la chaleur de ses sentiments ; et quant à être jalouse de Glorvina !… Allons donc, Amélia s’en serait voulu à elle-même d’en avoir eu seulement l’idée.

Ce soir-là, George revint tout joyeux dans la voiture de sir William Dobbin, conduite par le vieux cocher de la maison. George avait au cou une jolie chaîne en or, au bout de laquelle pendait une montre. Il raconta à sa mère que c’était une vieille dame, un peu laide, qui la lui avait donnée, tout en le couvrant de ses larmes et de ses baisers. Cette vieille dame ne lui plaisait pas beaucoup ; il aimait encore mieux les raisins ; mais il préférait par-dessus tout sa maman. Un secret mouvement de terreur fit tressaillir Amélia ; cette âme timide frémit sous l’atteinte d’un triste pressentiment en apprenant que son fils avait vu quelqu’un de la famille Osborne.

Miss Osborne, car c’était elle, rentra de son côté pour dîner avec son père. Le vieillard avait fait ce jour-là une excellente affaire ; aussi se montrait-il presque de bonne humeur, ce qui contribua encore à lui faire remarquer l’air troublé et attristé de sa fille.

« Qu’y a-t-il donc, miss Osborne ? » daigna-t-il lui demander.

Celle-ci éclata alors en sanglots :

« Ah ! monsieur, lui dit-elle, j’ai vu le petit George ; il est beau comme un ange ! c’est tout son portrait ! »

Le vieillard, placé en face d’elle, ne répondit pas, rougit beaucoup et commença à trembler de tous ses membres.

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