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autour d’un nom

ses enthousiasmes sans son inspiration ; je brûle du même feu que lui, et je ne trouve pas les accents harmonieux qui communiqueraient ma chaleur ; le poète pleure avec ceux qui pleurent : je n’ai pas de lyre où faire résonner ma compassion pour les cœurs qui saignent ; je suis sensible aux beautés de la nature, et les mots me manquent pour chanter sa gloire ; enfin, le poète digne de ce nom, va réveiller les idées les plus nobles qui dorment au fond du cœur de l’homme : je n’ai que l’infime satisfaction d’être émue moi-même par ce qui est grand, beau ou triste.

Elle s’était animée en parlant. On aurait dit qu’un feu intérieur mettait du flamboiement dans son regard et rendait sa peau plus rosée. Elle continua : « Connaissez-vous ces beaux vers d’Edmond Haraucourt ?

« Quelque soir où l’amour fondra nos deux esprits,
« En silence, dans un silence qui se pâme,
« Viens pencher longuement ton âme sur mon âme
« Pour y lire les vers que je n’ai pas écrits. »

Ils m’étaient inconnus, dit-il avec quelque aigreur ; puis, se levant, il prit congé de Madame Durand.