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est homme, dès qu’un débiteur est en retard, à le faire saisir, et à exiger les intérêts des intérêts. [11] Quand il reçoit à sa table les membres de son dème[1], il a soin de faire couper en menus morceaux les viandes qu’il leur sert. [12] Va-t-il aux provisions, il rentre au logis, sans avoir rien acheté. [13] Sa femme n’a le droit de rien prêter, ni sel, ni mèche de lampe, ni cumin, ni origan[2], ni grains d’orge, ni bandelettes[3], ni gâteaux de sacrifice : « Toutes ces bagatelles, dit-il, ne laissent pas de faire une grosse somme à la fin de l’année. » [14] En résumé, on voit chez les individus de cette sorte les coffres à argenterie moisir, les clés se rouiller ; quant à eux, ils portent des manteaux qui n’arrivent pas jusqu’aux cuisses ; une toute petite fiole d’huile leur suffit pour leurs frictions ; ils se font tailler les cheveux ras, et ne se chaussent qu’à partir de midi ; et, quand ils portent leur manteau chez le foulon, ils lui recommandent de n’y pas ménager l’argile, afin qu’il prenne moins rapidement les taches[4].


  1. Les dèmes étaient des circonscriptions, nous dirions des communes de l’Attique.
  2. Le cumin ou anis âcre, l’origan où marjolaine sauvage : plantes aromatiques, dont la cuisine grecque faisait grand usage comme condiments.
  3. Dans les sacrifices, des grains d’orge étaient jetés dans les flammes de l’autel et sur la tête de la victime et distribués aux assistants. Les bandelettes servaient à parer la victime et l’autel.
  4. Les foulons ne traitaient pas seulement les étoffes neuves ; ils nettoyaient les vêtements usagés, au moyen de l’argile smectique ou terre à foulon.