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VIII

LE NOUVELLISTE

La λογοποιία est une invention de propos et de faits contraires à la réalité, auxquels le λογοποιός essaie de donner créance[1]. [2] Et voici quelle sorte d’homme est le λογοποιός (le nouvelliste). Rencontre-t-il un ami, aussitôt, l’air épanoui et avec un sourire entendu, il l’interroge : « D’où viens-tu ? Que racontes-tu ? Quoi, tu ne sais rien de l’événement du jour ? » Et, insistant : « On ne raconte aucune nouvelle ? Il y en a pourtant, et d’excellentes. » {3] Puis, sans laisser à l’autre le temps de répondre : « Comment ? Tu n’as rien appris ? Eh bien, je vais te régaler, je crois, de grandes nouveautés. » [4] Et alors, ou bien c’est d’un tel, soldat, qu’il tient la chose, on bien d’un esclave d’Astéios, le joueur de flûte, ou bien de Lycon l’entrepreneur, tous gens qui ne font qu’arriver de la bataille[2]. Dans ses histoires, il a toujours ainsi des garants qu’on ne saurait atteindre. [5] Il raconte donc, d’après leur témoignage, que Polyperchon et le roi ont été vainqueurs et que Cassandre est prisonnier[3]. [6] Et, si on

  1. La seconde partie de cette définition est restituée par conjecture.
  2. La bataille, réelle ou imaginaire, dont il va être question dans la suite.
  3. Polyperchon, régent de Macédoine après Antipater, fut enguerre avec Cassandre, fils de son prédécesseur, perdant une dizained’années (319-309). Des trois rois qui, pendant celle période, occupèrentnominalement le trône de Macédoine, Alexandre IV, Héraclès et Philippe Arrhidée, il est malaisé de dire lequel est ici désigné. Vraisemblablement il s’agit du dernier. Voy. édit. de Leipzig, p. LVIII sq.