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VII

LE LOQUACE

La loquacité pourrait, semble-t-il, être définie une incontinence de parole. [2] Et voici quelle sorte d’homme est le loquace[1]. De quoi que l’entretienne une personne qu’il a rencontrée : « Ce n’est pas cela, dit-il ; je sais, moi, toute l’affaire, et pour peu que lu veuilles m’écouter, tu en seras instruit. » Et, tandis que l’autre poursuit, il l’interrompt : « Il y a là quelque chose à dire ; garde-toi de l’oublier. — Merci de m’avoir rappelé ce détail. — Comme il y a avantage à causer, n’est-ce pas ? — C’est un point qui m’avait échappé. — Tu as en vite fait, vraiment, de saisir la chose, — Voilà un moment que je t’attendais là pour voir si tu aboutirais à la même conclusion que moi. » Et autres interventions du même genre qui ne laissent pas à l’interlocuteur le temps de souffler. [3] Et, quand il a ainsi assommé les individus, il est homme à s’attaquer aux groupes et à mettre en fuite les personnes assemblées pour causer d’affaires. [4] Entrant dans les écoles et dans les palestres, il trouble les enfants dans leurs exercices, tant il bavarde avec les pédotribes[2] et les maîtres d’école. [5] Qu’on vienne à lui dire :

  1. Dans le genre bavardage Théophraste distingue jusqu’à quatre variétés : l’ἀδολέσχης (III), qui est un sot ; le λάλος ; (VII), ou le « grand parleur » (trad. de La Bruyère), qui veut paraître informé de toutes choses ; le λογοποιός : 6 ; (VIII), ou le nouvelliste ; et le κακολόγος ; (XXVII), ou le médisant, la mauvaise langue.
  2. Maître de gymnastique.