VI
Le cynisme est l’assurance avec laquelle on fait ou on dit des choses honteuses. [2] Et voici quelle sorte d’homme est le cynique. Prompt à jurer, perdu de réputation, toujours prêt à l’invective ; pour les mœurs, c’est un pilier des halles, débraillé, capable de tout. [3] Il est homme à danser le cordace[1], même à jeun[2]. [4] Dans les spectacles forains, il recueille le prix des places[3], allant d’un spectateur à l’autre, et fait le coup de poing avec ceux qui, n’ayant point de billet, prétendent voir gratis. [5] Tour à tour cabaretier, tenancier de mauvais lieu, collecteur d’impôts, aucun métier, si infâme qu’il soit, ne lui répugne ; il sera, à l’occasion, crieur public, cuisinier, joueur de dés. [6] Il laisse mourir de faim sa vieille mère[4] ; il se fait arrêter pour vol ; il habite plus souvent en prison que chez lui. [7] C’est un de ces individus qui rassemblent autour d’eux la foule, et qui, d’une grosse voix éraillée, apostrophent les passants, les invectivent où entament la conversation avec eux ; pendant ce temps, les uns s’ap-
- ↑ Le cordace était une danse, réservée originairement à la comédie et caractérisée par des déhanchements lascifs. Du théâtre, elle s’était introduite dans les banquets.
- ↑ L’absence d’ivresse est ici une circonstance aggravante. Voyez XII, 14 et la note.
- ↑ Littéralement « il recueille les chalques » : petite monnaie, valant le le huitième d’une obole (deux centimes environ).
- ↑ Ne pas subvenir à la nourriture de ses parents était un crime, puni de dégradation civique.