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Pour la transformer en énergie créatrice le FLN a entrepris un colossal travail de brassage de millions d’hommes.

Il s’agit d’être présent partout.

Il faut organiser sous des formes multiples, souvent complexes, toutes les branches de l’activité humaine.


A) Le Mouvement Paysan

La participation massive de la population des fellahs, khammès et ouvriers agricoles à la Révolution, la proportion dominante qu’elle représente dans les moudjahidine ou moussebiline de l’Armée de Libération Nationale ont profondément marqué le caractère de la Résistance algérienne.

Pour en mesurer l’importance exceptionnelle, il suffit d’examiner le revirement spectaculaire de la politique agraire colonialiste.

Alors que cette politique était basée essentiellement sur le vol des terres (habous, arch, melk) les expropriations s’étant poursuivies jusqu’en 1945-46, le gouvernement français préconise aujourd’hui la réforme agraire. Il ne recule pas devant la promesse de distribuer une partie des terres d’irrigation, en mettant en application la loi Martin restée lettre morte à la suite du veto personnel d’un haut fonctionnaire au service de la grosse colonisation. Lacoste lui-même ose envisager, dans ce cas, une mesure révolutionnaire : l’expropriation d’une partie des grands domaines.

Par souci d’équilibre, pour apaiser la furieuse opposition des gros colons, le gouvernement français a décidé la réforme du Khammessat. C’est là une mesure trompeuse tendant à faire croire à l’existence d’une rivalité intestine entre fellahs et Khammés, alors que le métayage a déjà évolué naturellement vers un processus plus équitable, sans l’intervention officielle, pour se transformer généralement en « chourka benés » ou l’association par moitié.

Ce changement de tactique traduit le profond désarroi du colonialisme voulant tenter de tromper la paysannerie pour la détacher de la Révolution.

Cette manœuvre grossière de dernière heure ne dupera pas les fellahs qui ont déjà mis en échec la vielle chimère des «affaires indigènes» séparant artificiellement les Algériens en Berbères et Arabes hostiles.

Car la population paysanne est profondément convaincue que sa soif de terre ne pourra être satisfaite que par la victoire de l’indépendance nationale.

La véritable réforme patriotique de la misère des campagnes, est inséparable de la destruction totale du régime colonial.

Le FLN doit s’engager dans cette politique juste, légitime et sociale. Elle aura pour conséquence :

a) La haine irréductible à l’endroit du colonialisme français, de son administration, de son armée, de sa police et des traîtres collaborateurs.

b) La constitution de réserves humaines inépuisables pour l’ALN et la Résistance ;

c) L’extension de l’insécurité dans les campagnes(sabotages, incendies de fermes, destruction des tabacoops et des vinicoops, symboles de la présence colonialiste) ;

d) La création des conditions pour la consolidation et l’organisation de nouvelles zones libérées.


B) Le Mouvement Ouvrier

La classe ouvrière peut et doit apporter une contribution plus dynamique pouvant conditionner l’évolution rapide de la Révolution, sa puissance et son succès final.

Le FLN salue la création de l’U.G.T.A. comme l’expression d’une saine réaction des travailleurs contre l’influence paralysante des dirigeants de la C.G.T., de F.O. et de la C.F.T.C..

L’U.G.T.A. aide la population salariée à sortir du brouillard de la confusion et de l’attentisme.

Le gouvernement socialiste français et la direction néo-colonialiste de F.O. sont inquiets de l’affiliation internationale de l’U.G.T.A. à la C.I.S.L., dont l’aide à l’U.G.T.A. et à la Centrale marocaine a été positive dans divers domaines nationaux et extérieurs.

La naissance et le développement de l’U.G.T.A. ont eu en effet un profond retentissement. Son existence a provoqué immédiatement un violent remous au sein de la C.G.T, abandonnée en masse par les travailleurs. Les dirigeants communistes ont essayé vainement de retenir les cadres les plus conscients en essayant de retrouver sous les cendres l’esprit de l’ancienne C.G.T.U. dont le mot d’ordre de l’indépendance de l’Algérie fut enterré au lendemain de l’unité syndicale en 1935.