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leurs goûts. Si les vieux artisans fabriquent encore des jouets d’une délicate esthétique, ils sont bien obligés, pour satisfaire leur clientèle, de sacrifier à l’exotisme.

Où l’indignation des admirateurs du passé a été portée à son comble, c’est quand ont été introduites les danses yankees ? Ils n’ont pas eu de paroles assez frémissantes pour qualifier l’impudeur des two-steeps, des shimmies et des charleston, importés sur la Terre des Dieux. Ces farouches censeurs ont dénoncé l’adoption de telles danses, vu la « détérioration de l’esprit national » qu’elles causaient. Ils ont blâmé l’atteinte portée à la solidarité traditionnelle de la famille par l’habitude du dancing. Ils ont demandé l’interdiction, sur tout le territoire nippon, des danses américaines et occidentales au nom de la saine morale. On ne leur en a, d’ailleurs, accordé que la réglementation et non point la suppression…

Naturellement, les adversaires des conservateurs outranciers ont répliqué que ces attaques étaient, en grande partie, hypocrites, en découvrant qu’elles n’avaient rien à faire avec la morale. Derrière le scandale que l’on voulait créer et les lois que l’on prétendait édicter se cachait, disaient-ils, la volonté de défendre les maisons de thé ou de tolérance, la corporation des geisha, les matrones et les tenanciers jaloux de la prospérité des établissements où résonnaient les jazz-band et où jeunes gens et jeunes filles s’entraînaient aux rythmes américains.

En admettant qu’il y ait eu quelques abus,