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Chaque année, les suffragettes reviennent à la charge[1]. Elles espèrent, par leur opiniâtreté, arriver progressivement à leurs fins. En vérité, il n’y a pas encore d’élan populaire en faveur d’une telle mesure. Les suffragettes ne font du prosélytisme que dans des cercles assez restreints. Ce qui a réellement du succès auprès des Japonaises, c’est le principe même de l’accession de la femme à toutes les manifestations extérieures de la vie publique.

Les femmes du grand empire asiatique se refusent désormais à l’effacement systématique, à l’abandon de leur personnalité, à toutes les timidités imposées par les antiques coutumes. Si le suffragisme est la forme aiguë de cet état d’âme et n’invite pas encore à d’imposantes manifestations, les revendications pour une réforme complète de l’éducation sont, en retour, adoptées avec enthousiasme dans tous les milieux féminins.

Quelle désinvolture ont pris les Japonaises en ces dix dernières années !… La coquetterie, l’amour du changement, des raisons d’hygiène et

  1. Un petit incident s’est produit dans la dernière semaine d’octobre 1927 qui montre le double aspect des aspirations japonaises. Une femme qui avait tenté de voter à la place de son mari lors du dernier scrutin pour les conseils généraux et qui en avait été empêchée, résolut d’en appeler directement à l’Empereur. Elle se posta près du palais et, au moment où passait l’automobile du souverain, elle essaya de lancer un papier contenant une requête en faveur du suffrage des femmes. Cette militante échoua dans son entreprise et fut aussitôt appréhendée par la police. Mais son geste symbolisait, d’une part, le désir d’une réforme plus vaste et plus hardie des mœurs politiques ; de l’autre, l’attachement à cette idée que l’Empereur domine toutes les situations et qu’il reste l’arbitre suprême de la nation.