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On aurait pu se croire transporté à mille ans en arrière tant les exécutants de cette pieuse besogne semblaient à l’aise dans ces vêtements archaïques et remplissaient facilement leur office. Tout le Japon ancien était ressuscité pour la circonstance. On eut dit d’un hommage des siècles passés et parés de toutes leurs splendeurs à l’Empereur partant pour l’ultime voyage.

Et, pourtant, s’alliant avec ce déploiement d’usages antiques, de matériel d’une vétuste beauté, de costumes rares aux modes immuables, de rites impeccables, que de notes modernes, prouvant bien que la civilisation nipponne est capable d’absorber les éléments les plus hétéroclites, de les confondre dans son harmonie ! Si les prêtres shintoïstes, tout drapés de blanc, formaient des essaims comme une troupe de revenants surgis des vieilles traditions, paradaient aussi à ces funérailles les soldats, aux uniformes kaki, affublés du masque protecteur (en raison d’une épidémie de grippe), ainsi que les élèves des grandes écoles militaires, qui paraissaient équipés comme pour un assaut à travers les nappes de gaz. Si l’on entendait les modulations aiguës des flûtes rituelles, il y avait, disposés sur tout le parcours, des microphones recueillant les moindres notes et transportant dans les grands centres, munis de hauts-parleurs, les musiques funèbres et les classiques lamentations. Si c’étaient toujours les mêmes formes de torchères qu’autrefois, ces torchères brûlaient avec du gaz d’éclairage ; si les lanternes de papier huilé n’avaient point changé d’appa-