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n’est jamais prise au dépourvu, s’ingénient à souffler leurs inquiétudes ou leur scepticisme aux naïfs qui les écoutent. De là pour beaucoup, surtout pour ceux qui se piquent d’intellectualisme, de mortelles anxiétés, et parfois pis encore. Il ne faut plus que pareil scandale se reproduise. Si Tertullien arrive à démontrer aux masses catholiques que sûrement elles possèdent la vérité et qu’elles peuvent exclure de toute contestation ceux qui parlent contre la foi telle que l’Église l’enseigne, quel pas décisif et quel support pour les consciences un peu hésitantes ! Toute dispute deviendra dès lors inutile, puisqu’il sera démontré que les hérétiques n’ont pas le droit de disputer. Et ainsi sera abolie pour les chrétiens encore fidèles la tentation même de s’approcher du redoutable engrenage où plusieurs déjà se sont laissé agripper.

La suppression de tout contact entre orthodoxes et hétérodoxes, tel est l’idéal de Tertullien[1]. Mais une fois le gros des troupes bien en sûreté dans la citadelle catholique, Tertullien n’hésite pas à faire personnellement les plus brillantes sorties contre l’ennemi, tant pour rassurer supplémentairement les siens[2] que pour jeter le désarroi dans le camp

  1. Pareillement les docteurs juifs interdisaient aux leurs de converser avec des chrétiens. Justin, Dial. cum Tryphone, XXXVIII (P. G., VI, 556).
  2. Propter instructionem et munitionem quorundam… Cf. plus haut, le texte no 14.