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tullien conférait à l’une tout le prestige que celle-ci exerçait déjà sur les esprits. De par les codes, toute doctrine qui irait à l’encontre du Credo officiel des Églises se condamnerait elle-même et point ne serait besoin de l’écouter.

Au temps même où il écrivait l’Apologeticus, Tertullien avait déjà aperçu l’efficacité possible de « l’argument de prescription ». Il l’avait opposé nettement aux philosophes païens, fortement soupçonnés d’avoir pillé les Écritures, et aux hérétiques eux-mêmes : « Expedite autem praescribimus adulteris nostris, illam esse regulam veritatis quae veniat a Christo transmissa per comites ipsius, quibus aliquanto posteriores diversi isti commentatores probabuntur[1]. » Puis, avec une patience de juriste, habitué à pousser un principe jusqu’à ses dernières conséquences, il reprit l’idée qu’il n’avait fait qu’indiquer en passant, et il lui donna, nous l’avons vu, toute la portée qu’elle était susceptible de recevoir.

Mais, d’autre part, un pareil radicalisme n’allait-il pas sans les plus graves inconvénients ?… Le péril qu’il créait, c’était l’apathie intellectuelle se défiant de tout examen, se reposant avec une sérénité totale sur la légitimité certaine de sa croyance, se résignant paisiblement à ignorer. À quoi bon se fatiguer l’esprit sur les choses de la foi, — tâche

  1. Apol., XLVII, 10.