Page:Tertullien - De praescriptione haereticorum, trad de Labriolle, 1907.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intendant de Dieu, le vicaire du Christ, il a négligé ses devoirs, il a permis que parfois les Églises comprissent différemment, crussent différemment la doctrine que lui-même prêchait par les apôtres. Mais est-il vraisemblable que tant d’Églises si importantes aient erré pour se rencontrer finalement dans la même croyance ? [2] Tant de démarches multiples ne sauraient aboutir à la même issue ; l’erreur doctrinale des Églises aurait certainement pris des formes diverses. [3] Au surplus ce qui se retrouve identique chez un grand nombre ne vient pas de l’erreur, mais de la tradition. [4] Qu’on ose dire que ceux qui ont légué la tradition ont pu se tromper !

XXIX. De quelque manière que l’erreur se soit produite, l’erreur a donc régné aussi longtemps qu’il n’y a pas eu d’hérésie. [2] Pour être libérée, la vérité attendait des Marcion et des Valentin. [3] En attendant, fautive était la prédication de l’Évangile, fautive la foi, fautifs tant de milliers de milliers de baptêmes, fautives tant d’œuvres de foi, fautifs tant de miracles, tant de charismes, tant de sacerdoces, tant de ministères, fautifs enfin tant de martyres couronnés ! [4] Ou si tout cela n’était point fautif ni fait en vain, comment expliquer que les choses de Dieu eussent cours avant qu’on sût à quel Dieu elles appartenaient ? qu’il y ait eu des chrétiens avant que le Christ eût été trouvé ? Que l’hérésie ait existé avant la vraie doctrine ? [5] Mais en toutes choses la vérité vient avant l’image c’est après coup que l’image lui succède ! [6] Au surplus, il serait assez absurde d’attribuer à l’hérésie une priorité sur la doctrine, quand c’est celle-ci qui a prédit les hérésies pour nous mettre