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ser l’Évangile : il ne s’agissait point de prêcher chacun un Évangile différent, mais d’annoncer le même Évangile aux différents groupes, Pierre aux circoncis, Paul aux gentils. [10] Au surplus, si Pierre fut blâmé de ce qu’après avoir vécu avec les païens il se séparait d’eux et faisait acception de personnes, ce fut là une faute de conduite et non une faute d’enseignement. [11] Il n’annonçait pas pour cela un autre Dieu que le Créateur, un autre Christ que le Christ né de Marie, une autre espérance que celle de la résurrection.

XXIV. Je n’ai pas la bonne fortune, ou pour mieux dire, je n’ai point la mauvaise fortune de mettre des apôtres en conflit. [2] Mais puisque ces pervers tirent prétexte de cette réprimande de Paul pour rendre suspecte la doctrine prêchée avant lui, je répondrai, comme si je plaidais pour Pierre, que Paul a dit lui-même « qu’il s’était fait tout à tous, juif pour les juifs, non-juif pour les non-juifs, afin de les gagner tous » : [3] tant il est vrai qu’ils critiquaient, eu égard aux temps, aux personnes, aux espèces, certaines pratiques qu’ils se permettaient eux-mêmes en tenant compte des temps, des personnes et des espèces. C’est comme si Pierre avait critiqué Paul de ce que, tout en prohibant la circoncision, il avait circoncis lui-même Timothée. [4] Qu’ils y prennent garde, ceux qui se permettent de juger les apôtres ! Il est heureux que Pierre et Paul aient été mis sur le même pied dans la gloire du martyre.

[5] Mais Paul a eu beau être ravi jusqu’au troisième ciel et, transporté au paradis, y avoir entendu certaines révélations, ces révélations n’ont pu apporter à sa doctrine un supplément qui la modifiât, puis-