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inventé le zèle superstitieux, néanmoins le culte chez les Romains ne consistait pas encore en statues ni en temples. — 13. La religion était frugale, les rites étaient pauvres et il n’y avait pas de Capitoles rivalisant avec le ciel, mais des autels de gazon élevés pour un temps, des vases en terre de Samos, la fumée qui s’en échappait : de dieu nulle part. En effet, le génie des Grecs et des Étrusques n’avait pas encore inondé Rome de statues façonnées. Ainsi donc, les Romains ne furent pas religieux avant d’être grands, et, par conséquent, leur grandeur ne vient pas de leur esprit religieux.

14. Au contraire, comment seraient-ils grands à cause de la religion, eux dont la grandeur est venue de l’impiété ? En effet, si je ne me trompe, tout royaume, ou, si vous le voulez, tout empire s’établit par la guerre et s’agrandit par la victoire. Or, la guerre et la victoire ont le plus souvent comme conséquence la prise et la destruction des villes. C’est là une chose qui ne saurait se faire sans outrage envers les dieux. Les temples sont renversés, aussi bien que les murs ; les prêtres sont égorgés en même temps que les citoyens ; les richesses sacrées sont pillées, tout comme les richesses profanes. -15. Les Romains ont donc commis autant de sacrilèges qu’ils ont élevé de trophées ; ils ont remporté autant de triomphes sur les dieux que sur les nations ; le butin qu’ils ont fait se compte par le nombre des statues de dieux captifs, qui demeurent aujourd’hui encore. — 16. Ces dieux consentent donc à être adorés par leurs ennemis et ils accordent un empire sans limites à ceux dont ils auraient dû punir les outrages plutôt que de récompenser leurs adulations ! Mais, comme ils sont incapables de sentir, il n’est pas plus dangereux de les offenser qu’il n’est utile de les honorer. — 17. Certes, on ne peut croire que la religion ait fait la grandeur d’un peuple qui, comme nous