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rapide que tous les autres. » (Virg., Enéide, IV, 174.) Pourquoi la renommée est-elle un fléau ? Est-ce parce qu’elle est rapide, parce qu’elle révèle tout, ou bien parce qu’elle est le plus souvent menteuse ? Même quand elle rapporte quelque chose de vrai, elle n’est pas exempte du reproche de mensonge, parce qu’elle retranche de la vérité, qu’elle y ajoute, qu’elle la dénature. — 9. Bien plus, sa nature est telle, qu’elle ne continue à exister qu’à condition de mentir, et elle n’existe qu’aussi longtemps qu’elle ne prouve pas ce qu’elle dit. En effet, dès l’instant qu’elle a prouvé, elle cesse d’exister et, comme si elle remplissait l’office de messagère, elle transmet un fait ; dès lors, c’est un fait qu’on tient, c’est un fait qu’on rapporte. — 10. Et l’on ne dit plus, par exemple : « On dit que cela s’est passé à Rome », ni « Le bruit court qu’un tel a obtenu par le sort le gouvernement d’une province » ; mais bien : « Un tel a obtenu le gouvernement d’une province », et : Cela s’est passé à Rome ».

11. La renommée, nom de l’incertain, ne peut exister là où est le certain. Est-ce que par hasard quelqu’un pourrait en croire la renommée, s’il n’est irréfléchi ? Non, car le sage ne croit pas à l’incertain. Chacun peut s’en rendre compte : quelle que soit l’étendue de sa diffusion, quelle que soit son assurance, c’est évidemment un seul auteur qui lui a donné naissance un jour. 12. Ensuite elle glisse de bouche en bouche, d’oreille en oreille, comme par autant de canaux, et le vice inhérent à cette humble semence est à tel point dissimulé par l’éclat des rumeurs qui circulent ensuite, que personne ne se demande si la première bouche n’a pas semé le mensonge, chose qui arrive souvent grâce à une jalousie naturelle, ou par les soupçons téméraires, ou encore à cause du plaisir de mentir qui n’est pas une chose si extraordinaire, mais innée à beaucoup.