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favorable. « Cette femme, disent-ils, comme elle était libre, comme elle était galante ! Ce jeune homme, comme il était joueur, comme il était débauché ! Les voilà devenus chrétiens. » Ainsi donc le nom de chrétien est regardé comme la cause de leur amendement ! — 4. Quelques-uns vont jusqu’à sacrifier leurs intérêts à cette haine, se résignant à un dommage, pourvu qu’ils n’aient pas chez eux ce qu’ils détestent. Une femme devenue chaste est répudiée par le mari qui n’a plus besoin d’être jaloux ; un fils devenu docile est déshérité par le père qui supportait auparavant ses désordres ; un esclave devenu fidèle est chassé loin des yeux du maître qui le traitait naguère avec douceur : dès qu’on s’amende en prenant le nom de chrétien, on devient odieux. Le bien qui en résulte ne fait pas contrepoids à la haine qu’on a des chrétiens.

5. Eh bien ! si c’est le nom qu’on déteste, quelle peut donc être la culpabilité des noms ? De quoi peut-on accuser des mots, sinon de ce que le son du vocable est barbare, ou de mauvais augure, ou injurieux ou impur ? Le mot christianus, au contraire, à considérer son étymologie, dérive du mot « onction ». Même quand vous le prononcez de travers chrestianus - car vous n’avez pas ure exacte connaissance de ce nom - il signifie à la fois « douceur et bonté ». On hait donc chez des gens inoffensifs un nom qui est tout aussi inoffensif. — 6. Mais, dira-t-on, c’est la secte qu’on hait dans le nom, qui est à coup sûr celui de son fondateur. Qu’y a-t-il d’étrange, si une doctrine donne à ses sectateurs un surnom tiré de celui du maître ? Les philosophes ne s’appellent-ils pas, du nom de leur maître, Platoniciens, Épicuriens, Pythagoriciens ? Ou encore, du lieu où ils se réunissent ou séjournent, Stoïciens, Académiciens ? De même, les médecins ne tirent-ils pas leur nom d’Érasistrate, les grammairiens d’Aristarque,