Page:Tertullien - Apologétique, trad Valtzing, 1914.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne s’attireront-elles pas le soupçon d’une arrière-pensée, en refusant d’entendre une chose qu’elles ne pourraient plus condamner après l’avoir entendue ?

4. Voici donc le premier grief que nous formulons devant vous : l’iniquité de la haine que vous avez du nom de chrétien. Le motif qui parait excuser cette iniquité est précisément celui qui l’aggrave et qui la prouve, à savoir votre ignorance. Car quoi de plus inique que de haïr une chose qu’on ignore, même si la chose mérite la haine ? En effet, elle ne mérite votre haine que si vous savez si elle la mérite. — 5. Si la connaissance de sa valeur réelle fait défaut, comment prouver que la haine est juste ? Cette justice, en effet, ne peut se prouver par le fait seul, mais par la connaissance que nous en avons. Puisque donc les hommes haïssent parce qu’ils ne connaissent pas l’objet de leur haine, pourquoi cet objet ne serait-il pas tel qu’ils ne doivent pas le haïr ? Par conséquent, nous confondons à la fois leur haine et leur ignorance, l’une par l’autre : ils restent dans l’ignorance, parce qu’ils haïssent, et ils haïssent injustement, parce qu’ils ignorent.

6. La preuve de leur ignorance, qui condamne leur iniquité précisément en lui servant d’excuse, est fournie par ce fait que tous ceux qui jusqu’ici haïssaient parce qu’ils ignoraient, cessent de haïr aussitôt qu’ils cessent d’ignorer. Ceux-là deviennent chrétiens, et ils le deviennent assurément en connaissance de cause ; et alors ils commencent à haïr ce qu’ils étaient et à professer ce qu’ils haïssaient, et ils sont aussi nombreux que vous voyez que nous sommes. — 7. L’État, s’écrie-t-on, est assiégé ; jusque dans les campagnes, dans les bourgs fortifiés, dans les îles, il n’y a que des chrétiens ; des personnes de tout sexe, de tout âge, de toute condition, de tout rang même, passent au nom chrétien, et l’on s’en afflige comme d’un dommage !