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vainqueurs, quand nous mourons, et nous échappons, quand nous succombons ! Appelez-nous maintenant, si vous voulez, des « gens de sarments » et des « gens de poteaux », parce que vous nous attachez à des poteaux et que vous nous entourez de sarments pour nous brûler ! Voilà notre attitude dans la victoire, voila notre tunique palmée, voilà le char sur lequel nous triomphons ! — 4. Il est donc naturel que nous ne plaisions pas aux vaincus, et voilà pourquoi ils nous qualifient de « désespérés et de fous furieux ». Cependant se livrer à ce désespoir et à cette fureur, quand la gloire et la renommée sont en jeu, c’est à vos yeux lever l’étendard du courage.

5. Mucius Scévola laissa volontairement sa main droite sur l’autel : quelle âme sublime ! Empédocle se livra tout entier aux feux de l’Etna près de Catane : quelle force d’âme ! Une certaine fondatrice de Cartilage échappe à un second mariage grâce au bûcher : quelle glorification de la chasteté ! — 6. Régulus, ne voulant pas à lui seul sauver la vie d’une multitude d’ennemis, endure dans tout son corps le supplice de la croix : quel héros, vainqueur jusque dans la captivité ! Anaxarque, tandis qu’on le broyait, pour le faire mourir, par un pilon à orge, disait : « Broie, broie l’enveloppe d’Anaxarque, car pour Anaxarque, ce n’est pas lui que tu broies. » Quelle grandeur d’âme chez ce philosophe, qui plaisantait au moment même où il subissait une pareille mort ! — 7. Laissons de côté ceux qui ont cru s’assurer la gloire en se perçant de leur propre épée, ou par un autre genre de mort plus doux. J’en viens à ceux dont vous couronnez la constance dans la lutte contre les tourments. — 8. Une courtisane d’Athènes, après avoir lassé son bourreau, se coupa la langue avec les dents et la cracha à la face du tyran cruel, pour cracher ainsi sa voix et pour ne pas pouvoir dénoncer les conjurés, 7